À propos de la datation d’un témoin de la morale aristotélicienne du XIIIe siècle : le Compendium philosophiae : rappel historiographique et orientations de recherche*

Télécharger l'article: 

 

Riccardo SACCENTI

 

Au cours des dernières décennies, la recherche sur la pensée médiévale a été marquée par un nouvel intérêt pour l’assimilation de la philosophie aristotélicienne qui se développe à partir de la moitié du XIIe siècle et s’accélère au XIIIe siècle dans le milieu universitaire. En particulier, la diffusion de l’aristotélisme et ses liaisons avec la croissance culturelle, sociale et politique de l’université médiévale constituent un domaine de recherche et d’étude qui est loin d’avoir été examiné de manière exhaustive. Il est aujourd’hui bien reconnu qu’une pluralité de positions doctrinales, de points de vue, de sensibilités culturelles et de problématiques scientifiques caractérisent le siècle de la scolastique à partir de ses premières années[1] ; ce panorama culturel reflète la nature d’un milieu social, politique et économique où de nouvelles forces sont à l’œuvre et où plusieurs crises se manifestent comme expression de la vitalité de la civilisation européenne. Les écrits des maîtres de la scolastique sont les témoins les plus remarquables de cette évolution complexe de la culture. C’est à ce genre de textes qu’appartient le Compendium philosophiae anonyme, ou Compilatio de libris naturalibus Aristotelis et aliorum quorundam philosophorum de rerum natura, conservé sous ce titre dans plus d’une trentaine de manuscrits.

Cette œuvre se compose de huit livres précédés d’un prologue énonçant le but de l’auteur et posant les « pierres angulaires » de son approche épistémologique. Le premier livre concerne Dieu, le deuxième la cosmologie et la création, le troisième l’étude des plantes, le quatrième celle des animaux, le cinquième est consacré à la nature humaine tandis que le sixième porte sur les concepts centraux de la physique aristotélicienne (mouvement, temps, espace, génération et corruption). Le septième livre prend en considération des sujets épistémologiques, logiques et rhétoriques et enfin le huitième donne une illustration détaillée et une interprétation du contenu de l’Ethica Vetus et de l’Ethica Nova.

À partir de la seconde moitié du XIXe siècle, plusieurs chercheurs se sont intéressés au Compendium et ont conduit des études sur sa tradition manuscrite, sa datation et son contenu. Si les recherches menées jusqu’aux années 1950 ont permis d’arriver à un certain accord au sujet de la date de composition de l’œuvre, elles ont laissé ouverte la question de sa paternité et n’ont pas mené à un véritable examen de son contenu doctrinal. Les études les plus récentes ont posé l’exigence d’une enquête plus ample et complète sur le Compendium, doublée d’un bilan de nos connaissances. Il est donc nécessaire de reconsidérer de façon « critique » tant la question des sources utilisées dans le texte, que les données historiques qui émergent de sa tradition manuscrite. Le but de la présente contribution est de donner une sorte de status quaestionis à propos des recherches consacrées à ce texte jusqu’à ce jour et ensuite de présenter une première série de notes à propos des données qui peuvent être tirées de l’examen du corpus aristotélicien employé par l’auteur anonyme. Enfin seront considérés certains problèmes historiques posés par l’étude de la tradition manuscrite[2].  

 

Recherches et controverses

 

Dans un essai de 1871, consacré aux commentaires grecs à l’Éthique à Nicomaque d’Aristote et à la diffusion de ceux-ci dans le Moyen Âge latin, V. Rose donne une illustration de l’intérêt croissant pour le traité moral aristotélicien au XIIIe siècle[3]. Le savant allemand remarque la fortune des traductions anciennes et partielles que sont l’Ethica Vetus (livre II et III) et l’Ethica Nova (livre I)[4] et met l’accent sur un Compendium philosophiae anonyme qui présente une exposition raisonnée de ces anciennes versions latines du texte d’Aristote. Il en signale trois manuscrits. V. Rose avance l’hypothèse que l’auteur de l’œuvre soit un certain Albert en s’appuyant sur une note posée dans l’explicit d’un de ces manuscrits, qui aujourd’hui est le codex Berlin, Staatsbibliothek Preussische Kulturbesitz, lat. oct. 142[5]. En même temps, en considérant que l’auteur du Compendium ne connaît pas la version latine complète de l’Éthique à Nicomaque réalisée par Robert Grosseteste au milieu du XIIIe siècle, il propose les années 1240 comme la date la plus probable de composition du Compendium.

Quarante-cinq ans après l’article de Rose, M. Grabmann donne de nouveaux éléments pour l’étude du Compendium, en élargissant le nombre de manuscrits connus et en offrant une première analyse sur le contenu de l’œuvre tout entière[6]. Même s’il reconnaît l’existence d’importantes similarités doctrinales entre le texte et les œuvres du « premier » Albert le Grand, M. Grabmann est sceptique par rapport à l’attribution de la paternité du Compendium suggérée par Rose[7]. Toutefois il présente une remarquable argumentation à l’appui d’une datation remontant aux années 1240[8]. Sur la base d’une considération plus attentive du corpus aristotélicien utilisé par l’auteur du texte, qui comprend la version arabo-latine de la Métaphysique, des commentaires arabes – en particulier d’Averroès – et l’usage des anciennes versions partielles de l’Éthique à Nicomaque, le dominicain se dit favorable à la datation proposée par V. Rose[9].

Un véritable tournant dans l’étude du Compendium est pris par les travaux que M. de Boüard a consacrés à cette œuvre et qui ont donné lieu à de très fortes critiques et à des développements scientifiques ultérieurs considérables. Dans trois études, publiées entre 1930 et 1936[10], M. de Boüard a analysé la nature encyclopédique de l’œuvre, sa tradition manuscrite, l’ensemble des autorités citées dans le texte et les principales positions doctrinales exposées dans le Compendium : la classification des sciences, le traité sur Dieu, la cosmologie, le traité sur les êtres vivants et la physique. Il a aussi édité certaines parties du texte sur la base du manuscrit Paris, Bibliothèque nationale de France, lat. 15879 et a donné une table de tous les chapitres. Les travaux de M. de Boüard ont donné lieu à des réactions polémiques qui en ont souligné les limites les plus évidentes. M. de Boüard n’a pas considéré les données de la recherche de M. Grabmann, comme le démontre son ignorance de certains manuscrits mentionnés et décrits par le dominicain ; de même, il ne connaît pas le travail de V. Rose[11]. Une série de critiques se sont aussi concentrées sur la position que M. de Boüard assignait au Compendium parmi les encyclopédies médiévales[12]. Toutefois, les critiques les plus significatives concernent les hypothèses de datation et de paternité avancées par M. de Boüard.

En s’appuyant sur le contenu doctrinal du Compendium et sur les autorités utilisées par l’auteur anonyme, de Boüard souligne l’influence des scolastiques – en particulier celle d’Albert le Grand – et place l’auteur dans le groupe des élèves du maître dominicain[13]. Sur la base de certains points de convergence doctrinale avec le Compendium theologiae d’Hugues Ripelin, il attribue au dominicain de Strasbourg la paternité du Compendium philosophiae et indique comme date de composition le dernier quart du XIIIe siècle[14]. Cette datation est fondée sur l’idée que le corpus aristotélicien utilisé par l’auteur et ses connaissances théologiques et philosophiques sont datables des années suivant la mort de Thomas d’Aquin et marqués par la controverse autour de la doctrine du théologien dominicain[15].

Cette position sembla déjà erronée aux contemporains. Lynn Thorndike en a souligné les limites, imputées à une connaissance insuffisante de l’encyclopédisme médiéval[16]. A. Dondaine, dans une sérieuse note consacrée au volume du professeur de l’Institut Français de Naples, a montré la méconnaissance des résultats des travaux de V. Rose et M. Grabmann et rappelé leurs conclusions à propos de la date de l’œuvre, qu’il a poussées plus avant[17]. A. Dondaine indique en effet que l’auteur du Compendium ne connaît ni la traduction de la Métaphysique de Guillaume de Moerbeke, qui date de la fin des années 1260, ni la Media en treize livres, qui remonte au milieu du XIIIe siècle. Il utilise plutôt la version arabo-latine de Michel Scot, liée au commentaire d’Averroès, qui est connue et utilisée dans les années 1230-1240[18]. A. Dondaine rappelle en outre que l’auteur du Compendium connaît l’Ethica Vetus et Nova sans montrer aucune connaissance de la version de Robert Grosseteste, ce qui fait remonter l’œuvre aux années 1243-1245. Si le huitième livre, qui contient l’exposition de l’Éthique d’Aristote, peut être considéré comme un ajout tardif au reste du texte, il deviendrait alors évident que la datation remonte au-delà de la date de la version de Grosseteste, donc au plus tard au début des années 1240[19]. A. Dondaine confirme ainsi la position de V. Rose et de M. Grabmann en contestant radicalement les conclusions de M. de Boüard sur le corpus aristotélicien[20]. Une position qui est propre aussi à O. Lottin, qui propose la date de composition de 1235 en raison d’une citation de la Summa de anima de Jean de La Rochelle qu’il retrouve au début du deuxième livre du Compendium[21]. Ces considérations sur la date de composition rendent inacceptable l’attribution à Hugues Ripelin dont l’activité intellectuelle se situe dans le troisième quart du XIIIe siècle[22].

En 1939, M. Grabmann revient au Compendium à la suite de la querelle née des recherches du professeur français. Dans une contribution parue dans son Methoden und Hilfsmittel des Aristotelesstudiums im Mittelalter, le savant dominicain élargit encore la liste de manuscrits de l’œuvre et avance l’hypothèse de Philippe de Vitry comme auteur[23]. Ensuite, il retourne à la question de la datation du Compendium en remarquant qu’aussi bien les sources utilisées dans le texte que ses caractéristiques littéraires sont bien propres à une œuvre du milieu du XIIIe siècle[24]. Le corpus aristotélicien coïncide en effet avec celui utilisé à la Faculté des Arts de l’Université de Paris au début des années 1250 et le Compendium présente de remarquables similitudes dans sa structure avec l’encyclopédie d’Arnold de Saxe[25].

Les contestations et les notations critiques produites à la suite de la parution des travaux de M. de Boüard concordent ainsi à propos d’une datation qui remonte au début des années 1240. Un argument ultérieur en faveur de cette conclusion arrive à la fin des années 1950 avec le progrès des recherches sur les traductions latines des œuvres aristotéliciennes, grâce aux études de R.-A. Gauthier consacrées aux versions latines de l’Éthique à Nicomaque[26]. Après avoir précisé l’existence d’une « révision » des anciennes traductions de l’Éthique, c’est-à-dire de l’Ethica Vetus et Nova, réalisée par Hermann l’Allemand au début des années 1240[27], Gauthier note que le Compendium fait usage de cette version révisée du texte aristotélicien[28]. Cette donnée, combinée au terminus ante quem qui vient d’une datation plus précise de la traduction de Grosseteste aux années 1246-47, conduit le dominicain à dater le texte de 1245 ou peu après[29].

La question de la datation du texte, d’une certaine façon, a monopolisé l’attention des chercheurs, qui n’ont commencé à prendre en considération les caractéristiques doctrinales de l’œuvre que dans une période plus récente. R.-A. Gauthier avait considéré certains aspects de l’interprétation de l’éthique aristotélicienne du Compendium dans le cadre des ses recherches sur la vertu de la magnanimité puis à l’occasion de son travail d’édition du commentaire de Thomas d’Aquin à l’Ethique à Nicomaque[30]. I. Backus a mené un examen plus général du contenu du texte, en concentrant son étude sur un cas particulier de la réception du Compendium : la composition du manuscrit Vat. lat. 3009 fait par Hilarion de Vérone vers 1470 et dédié au Pape Sixte IV[31].

Récemment, le projet culturel à l’origine du Compendium à été examiné par G. Dahan, qui s’est intéressé aux caractéristiques épistémologiques du prologue en les plaçant au centre des relations complexes entre le genre littéraire des encyclopédies médiévales et l’activité de prédication[32] ; il s’agit d’une tentative de reconsidérer le texte dans un milieu culturel plus ample et historiquement déterminé. Cette perspective est aussi celle des recherches d’I. Draelants, qui a identifié la présence d’éléments littéraires caractéristiques de la culture universitaire comme la questio et la disputatio dans le texte du Compendium[33]. Il est évident, à la lumière des considérations d’I. Draelants, que la pratique d’utiliser ce genre d’outils littéraires n’est pas occasionnelle, mais est un élément constitutif de l’écriture et de la méthode de l’auteur anonyme.

À cette esquisse historiographique, s’ajoute l’étude de la tradition manuscrite conduite par E. Kuhry en complément de sa thèse de doctorat portant sur la philosophie naturelle du Compendium philosophiae. Les premiers résultats en sont présentés dans l’article qu’elle publie dans ce même numéro de la revue Spicae[34]. Cette recherche a mis en évidence de manière remarquable la présence d’au moins trois rédactions distinctes du Compendium, qui se caractérisent surtout par la différence de longueur du texte et qui circulent au même moment dans les bibliothèques européennes, en particulier au début du XIVe siècle dans le milieu cistercien.

 

Le Compendium et le corpus aristotélicien

 

La datation du Compendium philosophiae trouve de remarquables confirmations à la lumière des données sur l’aristotélisme du milieu du XIIIe siècle, tel que le présentent les recherches des dernières décennies. Il ne s’agit pas seulement d’éléments supplémentaires pour soutenir une datation autour de 1245. En effet, d’autres éléments importants émergent à propos des liaisons culturelles entre l’auteur anonyme et le milieu universitaire du milieu du XIIIe siècle. Pour évaluer ces multiples aspects, il est utile de considérer à titre d’exemple le cas de la Métaphysique et de l’Éthique à Nicomaque, sur lesquels plusieurs savants qui se sont intéressés au Compendium ont mis l’accent. L’examen attentif des citations de ces deux ouvrages permet d’identifier non seulement la version latine employée par l’anonyme, mais également de mettre en lumière quelles « éditions » de ces versions il a utilisé. Pour mener une telle enquête, il est opportun de considérer certains passages du texte dont les sources peuvent être aisément identifiées et examinées de manière plus approfondie. Deux passages du texte du Compendium ont été choisis : un se réfère explicitement à la Métaphysique et l’autre expose le contenu de la partie finale de l’Ethica Vetus. Les deux textes sont présentés sur la base de trois manuscrits : Erlangen, Universitätsbibliothek, 276 (Irm. 281, XIIIe s.)[35] (Er2) ; Pavia, Biblioteca Universitaria, Aldini, 108 (fin du XIIIe siècle)[36] (Pav1) ; Mantova, Biblioteca Civica, 271 (C.I.9, XIVe siècle)[37] (Mant). Il s’agit du texte identifié par Emmanuelle Kuhry comme la version longue Λ, qui semble être la plus ancienne.

Le passage qui concerne la Métaphysique vient du septième livre du Compendium et constitue le troisième chapitre qui, selon la table éditée par de Boüard, porte le titre De dignitate philosophiae prime et quod ipsa sit prima et precipua philosophia. Il s’agit évidemment d’une analyse de nature épistémologique à propos de la « philosophie première » d’Aristote, c’est-à-dire de la métaphysique. Le texte est le suivant :

Aristoteles in tertio Methaphysice: illa phylosophia est altior et nobilior in qua determinatur [determinatur : delectatur Pav1] de eo quod est complementum et finis omnium rerum ut de prima causa. Et dicit, quod est notabile: et sciens, inquit, secundum hunc modum dignus uocatur philosophus, quia sicut idem dicit in Veteri Metaphysica: sapienciores sunt denominandi quorum studia sunt circa sciencias illas que reperte sunt ad disciplinam, quam illi qui intendunt sciencias que sunt [que sunt : om. Pav1] circa utilitatem temporalem, ut mechanice. Vnde Tullius dicit [dicit : dixit Pav1] ipsum esse sapientem qui omnia bona sua [omnia bona sua : bona sua communia Er2] reperit in se ipso esse. Item, quod theologia sit nobilissima sciencia dicit in Veteri Methaphysica propter quatuor proprietates sciencie. Prima est: illa est [illa est : om. Pav1] nobilissima sciencia que est de maximis primis; sed talis est theologia; ergo etc. Secunda est quod illa est dignissima scienciarum que considerat causam finalem omnium quia optimum [omnium quia optimum : et omnium Er2] et nobilissimum per se debetur finis; sed talis est theologia; ergo etc. Tercia est: illa est sciencia scienciarum et nobilissima omnium que [Tercia est ... omnium que : hec Pav1] est sui ipsius causa et sciendi gracia; sed talis est theologia, quia sicut idem dicit, tota cognicio causarum et principiorum prime phylosophie est intellectus. Non enim docentur cause eius [eius : om. Er2] aliunde quam a se ipsa; ergo etc. Quarta est quod illa liberalissima et nobilissima est sciencia que sola sui gracia queritur et non propter aliam est, sed alia propter illam. Sicut, inquit, homo liber dicitur cum sui [sui : om. Er2] ipsius causa sit et non alterius, sic et hec scienciarum liberalissima est; ergo etc. Et subsequuntur ibi duo corolaria [corolaria : correlatiua Mant] memorie digna. Primum est quod hec sciencia non est humana nec per hominem potest complete tractari, quia est sciencia liberalissima et nature hominis multipliciter ancillatur, et item quia hec sciencia est diuina et hominis possessio, ut ait in littera, est multipliciter ancillata. Glossa ibi, quod dicit de intellectu et scientia hominis que dependet a uirtutibus materialibus et corporeis et eciam a rebus extra. Et ideo illa sciencia complete tractari per hominem non potest, sed solus Deus, ut dicit, habet hanc [hanc : om. Er1 Mant] scienciam, quia scilicet est de principiis primis et causis ultimis. Secundum correlatiuum est quod exercens hanc scienciam maxime potest esse sciens [sciens : om. Mant] quia hec, ut dictum est, sui gracia queritur et homo hanc addiscit propter bonum suum proprium et propter se ipsum et causa addiscendi, et ideo talis est maxime scibilis et a qua fit [fit : fiet Pav1] maxime sciens[38].

Aristote discute de la nature de la « philosophie première » dans plusieurs passages de la Métaphysique, mais c’est surtout dans le premier livre et au début du troisième que cette notion est au centre de la réflexion du philosophe. Le Compendium construit sa présentation de la nature de cette science en unissant Met., B, 2, 996b10-13 avec le contenu de Met. A, 1, 981a5-2, 983a12. Sur le plan doctrinal, le résultat est la présentation de la « philosophie première » comme la science la plus noble en raison de son objet, qui est accomplissement et fin de toutes choses : la cause première. Cette cause première est évidemment Dieu, de sorte que la philosophie première, la métaphysique, s’identifie avec la théologie. Celui qui pratique cette science est le philosophus, qui assume ici la valeur de « savant » qui mène une recherche de nature intellectuelle et spéculative, bien distinct de ceux qui s’intéressent à ce qui est utile sur le plan temporel et aux arts mécaniques. La « philosophie première / théologie » est donc une science spéculative ; plus encore elle est la plus noble parmi les sciences de ce genre en raison de quatre caractéristiques: 1) elle s’intéresse aux premiers principes ; 2) elle porte sur la cause finale ; 3) elle n’a pas d’autre but que sa propre connaissance ; 3) elle est recherchée pour elle-même.

Cette construction du profil de la « philosophie première » s’ouvre par une citation du troisième livre de la Métaphysique qui vient évidemment du texte de la version arabo-latine réalisée par Michel Scot, version qui accompagne le commentaire d’Averroès[39]. Le Compendium ne donne pas une citation précise du texte aristotélicien, mais plutôt un remaniement qui mêle les dires d’Aristote au contenu du commentaire d’Averroès. Cette version en onze livres fut diffusée à l’université de Paris à partir de la fin des années 1230. L’auteur anonyme du Compendium indique cette version du texte aristotélicien avec la dénomination Methaphysica qui, dans certaines autres occasions, est remplacée par le titre Nova Methaphysica. Par contre, les citations du premier livre, qui constituent la suite du raisonnement, sont tirées d’une œuvre désignée comme Vetus Methaphysica. En considérant les deux citations contenues dans le passage cité ci-dessus, il est clair qu’elles proviennent de l’ancienne version de la Métaphysique réalisée par Jacques de Venise au XIIe siècle et dont seulement les quatre premiers livres sont connus[40].

Par conséquent, le Compendium utilise l’ancienne version de Jacques de Venise pour les citations du premier livre de la Métaphysique, tandis que pour le reste du texte d’Aristote, il se réfère à la version arabo-latine de Michel Scot. Celle-ci mêle les deux traductions et est caractéristique de la version spécifique de la Métaphysique qui a été l’objet d’examens attentifs par Alain de Libera et Olivier Boulnois[41]. Cette version était en usage à l’université parisienne au milieu des années 1240, avant d’être remplacée par la Media, puis par la version de Guillaume de Moerbeke. L’auteur anonyme du Compendium utilise donc une version de l’œuvre d’Aristote très bien datée et liée au contexte historique et culturel de l’université de Paris dans la quatrième décennie du XIIIe siècle.

Si la Métaphysique est citée pour construire un discours sur différents sujets, l’Éthique à Nicomaque, connue par l’auteur anonyme dans la version partielle répartie entre Ethica Vetus et Nova, fait pour sa part l’objet d’une exposition détaillée qui, par certains aspects, ressemble à un commentaire plutôt qu’à un compendium ou à un abrégé. R.-A. Gauthier, comme il a été rappelé plus haut, a montré comment l’auteur se sert de la versio longuior de l’Ethica Vetus, c’est-à-dire du texte qui contient la traduction de la dernière partie du livre III de l’Éthique à Nicomaque, ajoutée au texte de Burgundio de Pise par Hermann l’Allemand au début des années 1240[42]. La constatation de R.-A. Gauthier est évidente lorsqu’on lit l’exposé sur la fin de l’Ethica Vetus, c’est-à-dire le chapitre qui dans la liste de M. de Boüard porte le titre Quod cohibentes incontinentiam per rationem veraciter sunt obedientes. Le texte dit :

Subinfert incidentaliter dicens quod continens et reprimens [reprimens : retinens Er2] motus illicitos uere dici potest obediens et disciplinabilis. ‘Obediens’ quia in tali dominatur quod natum est dominari, id est racio, et obedit quod natum est obedire, id est sensibilitas [sensibilitas : sensualitas Pav1]. ‘Disciplinabilis’ dicit quia ordinacio [ordinacio : recta ordinacio Er2 Mant] potenciarum anime est [anime est : om. Pav1 : a se Mant], scilicet quod sensus succumbat et racio dominetur. Multum ualet ad disciplinam, quia in tali ordinacione consistit castitas, que maxime ualet ad discipline doctrinam, ut testatur Auerroys super [super : om. Pav1] vii Physicorum[43].

L’auteur anonyme, sur la base d’une identification implicite du temperans aristotélicien avec le continens propre à la tradition chrétienne, se concentre sur l’explication du fait que le « continent » est celui qui discipline les mauvais désirs et que pour cette raison il est dit « docile » et « discipliné ». Il s’agit d’un passage du raisonnement aristotélicien qui, dans le texte d’Hermann, se présente comme suit :

Et ideo mensurare oportet et ut sint pauca et non contra rationem. Talis enim dicitur obediens et disciplinabilis[44].

Le texte de l’Éthique à Nicomaque III, 15, 1119b1-10 est absent dans la version ancienne de l’Ethica vetus ; en conséquence, le Compendium ne peut le connaître que via une copie de l’ancienne version de Burgundio contenant la révision d’Hermann Allemand. La dénomination du tempérant comme « docile » et « discipliné » vient en effet de cette version, connue à partir du 1244[45].

La révision de l’Ethica par Hermann procède de son bien plus large intérêt pour le traité moral d’Aristote. Traducteur formé à l’école de Tolède entre 1240 et 1244, Hermann réalise la traduction arabo-latine du commentaire d’Averroès à l’Éthique à Nicomaque et de la Summa Alexandrinorum, un résumé du texte aristotélicien probablement d’origine grecque, traduit et diffusé ensuite en arabe[46]. La traduction latine du commentaire d’Averroès porte la date de juin 1240, tandis que la version latine de la Summa Alexandrinorum est terminée le 8 avril 1243 (ou 1244). Ces travaux sur le commentaire moyen d’Averroès et l’abrégé d’origine grecque ont certainement donné à Hermann une connaissance de l’ensemble de l’Éthique à Nicomaque bien plus complète que celle qui résulterait de la lecture de l’Ethica Vetus et Nova dans l’ancienne traduction de Burgundio. L’intervention d’Hermann est donc de deux ordres. Sur le premier livre, il apporte des corrections et des améliorations par rapport au texte de Burgundio aux endroits qui lui semblent plus obscurs et de compréhension difficile. Dans le cas de l’Ethica Vetus, il opère un ajout car il se rend compte, grâce au texte arabe commenté par Averroès, que le livre III est incomplet : il en manque les dernières lignes. Il produit ainsi une nouvelle version, revue, corrigée et augmentée de l’Ethique, qui est celle utilisée dans le Compendium.

Une remarque reste à faire à propos de cette version de l’Éthique. Elle est constituée de quatre livres, c’est-à-dire celui de l’Ethica Nova accompagné d’une version de l’Ethica Vetus en trois livres. Dans cette version en effet, le texte du troisième livre de l’Éthique à Nicomaque est divisé en deux : le premier livre qui comprend Éthique à Nicomaque, III, 1, 1109b30-8, 1115a6, le second qui contient III, 8, 1115a6 – 15, 1119b18. Cette version en quatre livres est mentionnée comme le texte officiel de l’Éthique d’Aristote encore en usage à Paris lors de la publication des statuts de la Faculté des Arts de l’Université de Paris en 1255[47]. La même édition est utilisée par Vincent de Beauvais dans son Speculum historiale autour des mêmes années[48]. Par conséquent, la version révisée d’Hermann est le texte officiel des libri morales d’Aristote en usage à l’Université de Paris dans la décennie 1244/1245-1255. En outre, depuis 1247-1248, la traduction complète de l’Ethique à Nicomaque réalisée par Robert Grosseteste est connue et utilisée dans le milieu universitaire.

Autant dans le cas de la Métaphysique que dans celui de l’Ethique à Nicomaque, le Compendium emploie une édition « universitaire » du texte aristotélicien, circonstance qui indique l’existence d’une très forte liaison entre l’auteur et le milieu universitaire. En tentant compte du fait que le Compendium conclut sur une série de chapitres qui constitue un véritable traité pédagogique, il semble raisonnable d’avancer l’hypothèse que notre auteur soit un maître universitaire actif dans les années 1240, qui compose son exposé de la philosophie aristotélicienne autour de 1245. En composant son texte, ce maître utilise tous les outils à sa disposition, à savoir les traductions les plus récentes qui ont été quotidiennement en usage dans le milieu universitaire, auquel il appartenait probablement.

 

L’oubli et la fortune : la tradition manuscrite et ses problèmes

 

Les arguments qui soutiennent l’hypothèse de l’année 1245 comme date la plus probable de composition du Compendium sont donc bien appuyés sur l’analyse des sources et du contenu du texte. Toutefois, l’examen de la tradition manuscrite pose quelques problèmes. L’article d’E. Kuhry, dans ce numéro, détaille la nature et la structure d’une tradition qui, à l’heure actuelle, se compose de 37 témoins[49]. Parmi ceux-ci, deux sont certainement de la fin du XIIIe siècle et cinq du tournant des XIIIe et XIVe siècle. La plus grande partie des manuscrits remonte au XIVe siècle, avec une nette prééminence pour la première moitié. Les témoins restants sont des copies plus tardives de la fin du XIVe et du XVe siècle. Le cadre qui émerge est celui d’une tradition qui présente une remarquable concentration de témoins entre la fin du XIIIe siècle et les années 1330. À cette plage temporelle remontent plus ou moins vingt manuscrits.

Pourquoi n’existe-t-il aucun témoin antérieur à la fin du XIIIe siècle ? Il est bien possible que des copies plus anciennes du Compendium aient été perdues, mais il semble aussi très problématique d’expliquer une tradition manuscrite concentrée dans un temps relativement court de quarante années. Ces questions suggèrent de reconsidérer certains aspects de la tradition manuscrite en tenant compte des évolutions du cadre historique qui accompagnent la production des copies du Compendium.

En premier lieu, la liste des manuscrits peut être considérée à la lumière de l’hypothèse d’une division fondée sur le milieu qui les a produits. Seulement deux témoins sont directement reliés à l’université ou au milieu universitaire, à savoir les manuscrits Salamanca, Biblioteca Universitaria, 2322[50] et Paris, Bibliothèque nationale de France, lat. 15879[51]. Les autres sont presque tous d’origine monastique, avec une prééminence du milieu cistercien, auquel appartiennent plus ou moins dix copies.

La grande diffusion et l’intérêt évident pour le Compendium sont donc le produit d’un contexte monastique plutôt qu’universitaire. Ce phénomène date d’une période comprise entre la fin du XIIIe siècle et les trois premières décennies du siècle suivant, donc cinquante ans après la composition supposée du texte. À cette époque, la culture monastique, surtout cistercienne, est marquée de façon très évidente par le rapport avec le milieu universitaire parisien et la formation philosophique et théologique de l’ordre[52]. Avec la fondation du collège Saint-Bernard et le développement ultérieur de ses activités, la seconde moitié du XIIIe siècle voit l’ordre de Cîteaux très engagé dans le problème de la formation intellectuelle de ses membres[53]. Une série de maîtres en théologie cisterciens sont actifs à l’université de Paris à partir des années 1260 et leur activité ne se limite pas seulement à l’exégèse biblique ou à la composition d’œuvres « canoniques » dans le milieu universitaire, comme les commentaires des Sentences. L’examen de la production de ces hommes de culture montre l’émergence d’un intérêt croissant pour la philosophie aristotélicienne, lue dans une perspective évidemment thomiste[54].

La diffusion du Compendium dans les bibliothèques cisterciennes se situe donc dans une phase de grand intérêt pour l’aristotélisme et ses contenus ; le témoin le plus intéressant de cet intérêt est le manuscrit Erlangen, Universitätsbibliothek, 276 (Irm. 281) qui provient de la bibliothèque du collège Saint-Bernard[55]. À partir de la fin du XIIIe siècle, la culture cistercienne est influencée par un aristotélisme appris à l’école de Thomas d’Aquin, considéré comme un outil pour étudier le grand livre de la Nature. C’est un exercice rigoureux de la raison humaine qui ne peut pas être en contradiction avec la théologie mais qui possède sa propre position dans l’ordre des sciences humaines. Le contenu et la structure du Compendium présentent de façon évidente ces caractéristiques car, comme l’explique l’auteur anonyme dans le prologue, la philosophie n’est que la voie pour arriver à la connaissance de Dieu créateur à partir de son œuvre, la création[56].

Si des raisons doctrinales et d’une certain façon idéologiques sont à la base du succès du Compendium dans le milieu cistercien, la question de la distance temporelle entre la date supposée de la composition du texte et la production des copies les plus anciennes, à savoir les manuscrits Erlangen, Universitätsbibliothek, 276 et Pavia, Biblioteca Universitaria, Aldini, 108, qui datent de la fin du XIIIe siècle, reste ouverte. Les considérations faites ci-dessus sur le corpus aristotélicien ont montré comment l’auteur anonyme utilise les versions les plus récentes des textes du Philosophe, celles qui circulent à l’Université de Paris à son époque. Ce corpus « officiel » des livres d’Aristote a subi de remarquables changements déjà dans les dernières années de la décennie 1240.

En 1246-47 apparaît la version latine complète de l’Éthique à Nicomaque composée par Grosseteste, accompagnée de la traduction des commentaires grecs consacrés au traité aristotélicien[57]. Albert le Grand fait immédiatement usage de ce nouveau texte pour sa Lectura in Ethicam, datée entre 1248 et 1252[58]. Cette nouvelle version latine s’impose immédiatement dans le milieu universitaire et serait à la base de l’étude de l’éthique aristotélicienne dans l’université médiévale. Une situation similaire se vérifie dans le cas de la Métaphysique. La version arabo-latine en onze livres, en usage à Paris dans les années 1240 et utilisée par l’auteur anonyme, est remplacée en premier lieu par la Media et ensuite par la traduction de Moerbeke qui remonte à 1265[59].

Il s’agit donc de modifications remarquables du corpus aristotélicien, chronologiquement très proches de la date de composition du Compendium. Une décennie seulement après sa parution, la base aristotélicienne de l’œuvre n’est donc plus « à jour ». En outre, parallèlement à ces nouvelles traductions, a lieu une véritable avancée dans l’exégèse de la pensée d’Aristote, mise en évidence par le nombre croissant de commentaires consacrés aux textes les plus problématiques, tels que la Métaphysique, la Physique, le De Caelo. Le passage de la quatrième à la cinquième décennie du XIIIe siècle marque donc une évolution de la sensibilité philosophique des intellectuels actifs dans les universités européennes.

Ces circonstances peuvent expliquer un certain désintérêt pour le Compendium comme exposition systématique de la philosophie aristotélicienne. Aux yeux de maîtres tels que Thomas d’Aquin ou Siger de Brabant, un texte de ce genre présente une vision de l’aristotélisme qui n’est plus aussi « authentique » ou « porteuse d’autorité », et qui ne tient pas compte des nouvelles versions latines disponibles ou de l’évolution des interprétations[60]. Même les textes qui accompagnent le corpus du Philosophe, à savoir les commentaires d’Averroès, sont considérés différemment dans la seconde moitié du siècle[61]. Cela ne signifie pas que le Compendium n’a plus été diffusé dans le milieu universitaire, en particulier à Paris. Les copies du texte conservées dans les manuscrits Salamanca, Biblioteca Universitaria, 2322 (a. 1308) et Paris, Bibliothèque Nationale, lat. 15879 (1320) émanent d’un contexte universitaire et le manuscrit Erlangen, UB 276 est aussi en lien avec l’université. Il est probable que les cisterciens aient introduit dans la bibliothèque de leur collège universitaire parisien un texte qui, bien que dépassé, conservait une certaine diffusion à l’université de Paris.

 

Éléments pour une nouvelle compréhension

 

À partir de l’article de Valentin Rose en 1871, les recherches consacrées au Compendium philosophiae ont été concentrées sur le problème de la datation du texte. Les travaux de Michel de Boüard ont fait l’objet de plusieurs critiques qui ont permis un approfondissement de certaines caractéristiques de l’œuvre, un élargissement de la connaissance de la tradition manuscrite, une datation très précise en raison des limites de la « bibliothèque philosophique » à disposition de l’auteur et du cadre doctrinal auquel la pensée de l’anonyme peut être ramenée. Plus récemment, les intérêts se sont dirigés vers le contenu du texte, pour examiner en particulier la finalité du Compendium et rassembler les éléments qualifiant sa forme littéraire et son argumentation.

Reste la nécessité d’un examen approfondi de ce texte. Quelle est la nature de cette œuvre? Est-ce vraiment une « encyclopédie » ou plutôt un traité de philosophie aristotélicienne ? Quel est son rôle dans la production intellectuelle du XIIIe siècle ? S’agit-il d’un texte lié de quelque façon à l’activité d’enseignement universitaire ? Certains éléments, tels que l’usage des schémas de la questio et de la disputatio ou la présence d’une sorte de petit traité pédagogique, suggèrent une réponse affirmative.

Les brèves constatations que j’ai apportées sur les versions latines de la Métaphysique et de l’Éthique à Nicomaque, et surtout les données de la tradition manuscrite, montrent que la compréhension de la nature d’un texte comme le Compendium, de son but et de sa valeur pour la culture médiévale, ne peuvent être élucidés que par une enquête historique approfondie. L’étude du texte, à la fois de ses aspects formels et de ses contenus doctrinaux, nécessite de le replacer dans un constant dialogue avec le milieu culturel et historique dont il provient et où il est lu et utilisé. Université et culture monastique, formation philosophique et naissance d’une sensibilité scientifique non seulement pour la nature mais aussi pour les contenus de la foi, nécessité de comprendre la complexité du monde et de rechercher en même temps une véritable unité de tout le savoir humain, tels sont les caractères propres du milieu de l’auteur anonyme auquel l’historien doit restituer le Compendium philosophiae.

 

 

Notes: 

 

* Cette contribution est le résultat d’un séjour de recherche post-doctoral à l’Atelier Vincent de Beauvais – Encyclopédisme et transmission des connaissances, à Nancy, sous la direction d’Isabelle Draelants, directrice de recherches au CNRS (oct. 2009 - oct. 2010), que je remercie pour ses relectures.


[1] Sur ce sujet voir la présentation du processus d’acculturation philosophique et ses liaisons avec la naissance et le développement de l’université médiévale dans La filosofia nelle università. Secoli XIII-XIV, L. Bianchi (éd.), Firenze, 1997 (Biblioteca di cultura, 216). Voir aussi A. de Libera, La philosophie médiévale, Paris, 1993 ; K. Flash, Einführung in die Philosophie des Mittelalters, Darmstadt, 1994 ; R. Brague, Au moyen du Moyen Âge. Philosophies médiévales en chrétienté, judaïsme et Islam, Paris, 2006.

[2] Alors que cet essai est en cours de publication, je suis sur le point de terminer une monographie sur le Compendium philosophiae où les questions posées ici sont reprises et détaillées et conjointes à un examen doctrinal du texte qui accompagne une édition critique du livre VIII.

[3] V. Rose, « Über die Griechischen Commentare zur Ethik des Aristoteles », in Hermes, 5, 1871, p. 61-113.

[4] Ces versions partielles de l’Éthique à Nicomaque ont été réalisées par Burgundio de Pise au milieu du XIIe siècle pendant un des ses séjours à Constantinople comme ambassadeur de la république de Pise. Sur la vie de Burgundio voir F. Liotta, « Burgundione da Pisa », in Dizionario Biografico degli Italiani, XV, Roma, 1972, 423-428 ; P. Classen, Burgundio von Pisa. Richter – Gesandert – Übersetzer, Heidelberg, 1974 (Sitzungberichte der Heidelberger Akademie Wissenschaften. Philosophisch – historische Klasse, 1974, 4). L’attribution à Burgundio de Pise de l’Ethica Vetus et Nova est le résultat de plusieurs études qui culminent avec les travaux de F. Bossier sur le lexique de la traduction et de G. Vuillemin-Diem et M. Rashed sur les manuscrits grecs ayant appartenu au traducteur. Cf. L. Minio-Paluello, « Les ‘trois rédactions’ de la traduction latine médiévale du De Generatione et Corruptione », in Revue de philosophie de Louvain, 48, 1950, p. 247-259, p. 251 ; réédité in Id., Opuscula. The Latin Aristotle, Amsterdam, 1972, p. 114-126, p. 118 ; Id., « Iacobus Veneticus Grecus : Canonist and Translator of Aristotle », in Traditio, 8, 1952, p. 265-304, ici p. 288, réédité in Id., Opuscula…, p. 189-228, ici p. 212 ; R.-A. Gauthier, Ethica Nicomachea : Praefatio, Leiden-Bruxelles, 1972 (Aristoteles Latinus, XXVI/1-3, fasc. 1), p. lv-lviii, cxxxviii-cxlii ; J. Judycka, De generatione et corruptione. Translatio vetus : Praefatio, Leiden, 1986 (AL, IX/1), p. i-lviii, p. xxxiv-xxxviii ; R.J. Durling, « The Anonymous Translation of Aristotle’s De generatione et corruptione (Translatio Vetus) », in Traditio, 49, 1994, p. 320-330 ; G. Vuillemin-Diem , M. Rashed, « Burgundio de Pise et ses manuscrits grecs d’Aristote : Laur. 87.7 et Laur 81.18 », in Recherches de Théologie et Philosophie médiévales, 64, 1997, p. 136-198 ; F. Bossier, « L’élaboration du vocabulaire philosophique chez Burgundio de Pise », in Aux origines du lexique philosophique européen. L’influence de la ‘Latinitas’ (Actes du Colloque international organisé à Rome par la F.I.D.E.M., 23-25 mai 1996), J. Hamesse (éd.), Louvain-la-Neuve (Textes et Études du Moyen Âge, 8), 1997, p. 81-116 ; Id., « Les ennuis d’un traducteur. Quatre annotations sur la première traduction latine de l’Éthique à Nicomaque par Burgundio de Pise », in Bijdragen, 59, 1998, p. 406-427 ; G. Verbeke, « Burgundio de Pise et le vocabulaire latin d’Aristote », in Tradition et traduction. Les textes philosophiques et scientifiques grecs au Moyen Âge latin. Hommage à Fernand Bossier, R. Beyers, J. Brams, J. Sacré, K. Verrycken (éds.), Leuven, 1999, p. 37-58.

[5] Rose, « Über die Griechischen Commentare zur Ethik… », p. 65. Il fait mention de l’explicit d’un manuscrit enregistré dans le catalogue de la librairie Hartung de Leipzig en février 1859. En 1939, Grabmann identifiera ce manuscrit avec celui conservé dans la Bibliothèque nationale de Berlin : M. Grabmann, Methoden und Hilfsmittel des Aristotelesstudiums im Mittelalter, München, 1939 (Sitzungsberichte der Bayerischen Akademie der Wissenschaften. Philosophisch-historische Abteilung, Jahrgang 1939, Heft 5), p. 105-111, ici p. 106.

[6] M. Grabmann, Forschungen über die Lateinischen Aristotelesübersetzungen des XIII. Jahrhunderts, Münster, 1916 (Beiträge zur Geschichte der Philosophie des Mittelalters, 17/5-6), p. 74-86.

[7] Ibid., p. 75.

[8] Ibid., p. 83.

[9] Ibid., p. 83-85.

[10] M. de Boüard, « Encyclopédies médiévales. Sur la ‘connaissance de la nature du monde’ au Moyen Âge », in Revue des questions historiques, 16, 1930, p. 258-304 ; Id., « Une encyclopédie médiévale jusqu’à présent inconnue : le ‘Compendium philosophiae » in Revue Thomiste, 15, 1932, p. 118-143 et p. 301-330 ; Id., Une nouvelle encyclopédie médiévale. Le ‘Compendium philosophiae’, Paris, 1936. Le volume de 1936 est une reprise et une extension de l’article de 1932. Une première édition de certaines parties du texte, parue comme un appendice à l’étude de 1932, est élargie dans le volume du 1936 et s’y joint la publication de la table des chapitres du Compendium.

[11] Même si les pages de M. Grabmann sur le Compendium sont citées dans le volume de 1936, le ms. Innsbruck, Universitätsbibliothek 363, autour duquel le dominicain construit son étude, est complètement ignoré dans la liste des manuscrits : de Boüard, Une nouvelle encyclopédie médiévales…, p. 19, n. 1. Il manque également la mention des deux manuscrits d’Erlangen, 276 (Irm. 281) et 215 (Irm. 442) de l’Universitätsbibliothek, déjà indiqués par Valentin Rose.

[12] Selon M. de Boüard, « Encyclopédies médiévales… », p. 266, le Compendium occupe une position éminente parmi les encyclopédies médiévales en offrant la synthèse la plus haute et complète de la philosophie naturelle. Le chercheur fait une comparaison avec l’oeuvre de Thomas d’Aquin en notant que, dans le cadre du développement du genre des encyclopédies, on remarque une progression vers une synthèse complète et ultime. « Restait donc à livrer à la foule des lettrés une œuvre d’ensemble qui prétendit être, dans le domaine de l’encyclopédie, ce qu’est, dans une sphère plus élevée, la Somme théologique de saint Thomas d’Aquin. Cette tâche énorme fut assumée par un compilateur anonyme : son œuvre est le Compendium Philosophiae », p. 300. Le Compendium philosophiae serait donc : « la dernière en date et la plus évoluée des encyclopédies médiévales », M. de Boüard, Une nouvelle encyclopédie médiévale…, p. 16.

[13] de Boüard, Une nouvelle encyclopédie médiévale…, p. 115-116.

[14] de Boüard, Une nouvelle encyclopédie médiévale…, p. 116.

[15] de Boüard, Une nouvelle encyclopédie médiévale…, p. 115 : « En identifiant les traductions d’Aristote qu’a employées notre anonyme, en examinant ses connaissances théologiques, cosmologiques et physiques, nous avons reconnu qu’il écrivait après la mort de saint Thomas d’Aquin et avant la fin du XIIIe siècle, à cette époque si curieuse où tous les événements, dans l’ordre de la philosophie, gravitent autour de la condamnation des doctrines thomistes et font déjà prévoir la triomphale réhabilitation du Doctor communis ».

[16] L. Thorndike, « Review : Une Nouvelle Encyclopédie Médiévale : Le Compendium Philosophiae by Michel de Boüard », in Speculum, 12, 1937, p. 114-115.

[17] A. Dondaine, « Michel de Boüard. Une nouvelle Encyclopédie médiévale : Le Compendium Philosophiae, Paris, E. De Boccard, 1936, in-8° », in Le Moyen Age, 47, 1937, p. 208-210. Dondaine a donné une première notation brève et très sévère dans la Revue des Sciences philosophiques et théologiques, 25, 1936, p. 721. Ensuite, il a proposé ses critiques dans le Bulletin thomiste, 5, 1939, p. 781-782.

[18] Dondaine, « Michel de Boüard... », p. 209-210.

[19] Dondaine, « Michel de Boüard… », p. 210.

[20] C’est sur une remarquable argumentation de nature historique et culturelle que se fonde la critique de Dondaine à propos de l’idée que le corpus aristotélicien du Compendium peut être daté de la fin du XIIIe siècle. Les traductions connues par l’anonyme auteur remontent au milieu du siècle et la façon selon laquelle elles sont employées ne permet pas de supposer qu’elles sont encore utilisées après la parution du nouveau corpus à partir de 1250. En effet, à propos de la réception des traductions aristotéliciennes à l’université médiévale, Dondaine note : « L’accueil fait à ces versions était si empressé que leur emploi était immédiat. Si un auteur, Maître en Aristote, ne connaît pas un de ces ouvrages, nous pouvons être quasi certains que cet ouvrage n’était pas traduit, et par conséquent dater l’œuvre qui ne le connaît pas d’une époque antérieure à la version », Dondaine, « Michel de Boüard… », p. 209.

[21] O. Lottin, « M. de Boüard. Une nouvelle encyclopédie médiévale : le Compendium philosophiae. Paris, E. de Boccard, 1936 ; in 8, 207 p. Fr. 20 », in Bulletin de Théologie ancienne et médiévale, 3, 1937-1940, p. 486-487.

[22] Dondaine, « Michel de Boüard.... », p. 210 ; Lottin, « M. de Boüard... », p. 486.

[23] Grabmann, Methoden und Hilfsmittel…, p. 104-107. L’attribution du texte à Philippe de Vitry est fondée sur une notation qui se lit dans l’incipit du texte du Compendium transmis dans le ms. Vat. Ottobon. 1521 : « Compilatio Magistri Philippi de Vitriaco ». Ce maitre Philippe de Vitry ne peut être ni le musicien ni l’évêque de Meaux (1291-1361) qui est actif au XIVe siècle. On peut supposer l’existence d’un maître portant ce nom, actif au milieu du XIIIe siècle, mais pour l’instant nos informations à ce propos restent insuffisantes pour en dire davantage.

[24] Grabmann, Methoden und Hilfsmittel…, p. 107.

[25] Grabmann, Methoden und Hilfsmittel…, p. 109-111. Isabelle Draelants a tracé quelques comparaisons sur la chronologie des sources des deux œuvres dans sa thèse, Un encyclopédiste méconnu du XIIIe siècle : Arnold de Saxe. Oeuvres, sources, réception, Louvain-la-Neuve, 2000 (thèse d’histoire) ; ses recherches montrent que les sources aristotéliciennes du compendium sont plus récentes que celles d’Arnold de Saxe, dont la collecte peut être datée autour de 1225-1235.

[26] Un premier intérêt pour le Compendium de la part de R.-A. Gauthier est bien visible dans sa monographie sur la vertu de la magnanimité : Magnanimité. L’idéal de la grandeur dans la philosophie païenne et dans la théologie chrétienne, Paris, 1951. Dans cette étude, l’œuvre anonyme est citée comme un témoin de la discussion éthique du milieu du XIIIe siècle.

[27] Gauthier, Praefatio…, p. cxlvii-cli.

[28] Gauthier, Praefatio… , p. cli.

[29] R.-A. Gauthier, Introduction, in Aristote, L’Éthique à Nicomaque, Introduction, traduction et commentaire par R.-A. Gauthier, J.Y. Jolif, Louvain-Paris, 1970, t. I, p. 119.

[30] On peut clairement voir apparaître l’existence de rapports doctrinaux entre le Compendium et les œuvres des maîtres actifs dans les troisième et quatrième décennies du siècle, notamment Arnold de Saxe, Philippe le Chancelier et Albert le Grand. Cf. Gauthier, Magnanimité…, p. 297-298, 444 n. 3. Ensuite R.-A. Gauthier a discuté du Compendium dans l’étude qui accompagne son édition de l’Éthique à Nicomaque. Cf. Gauthier, Introduction, in Aristote, L’Éthique à Nicomaque…, p. 119. Le savant dominicain pose le Compendium comme témoin d’une tradition d’exégèse du texte aristotélicien qui, en certains cas, a été réfutée par les grands scolastiques suivants comme Thomas d’Aquin. En particulier il montre que l’auteur se base sur des étymologies, à propos des vertus de la magnanimité et de la libéralité et de leurs extrêmes, qui seront contestées par Thomas. Cf. S. Thomae de Aquino, Sententia libri Ethicorum, Gauthier (éd.), ed. Leonina, t. XLVII.1-2, Romae <Ad Sanctae Sabinae>, 1969, II, 9, 9-11, 32-35. Voir aussi la mention du Compendium dans les recherches de R.-A. Gauthier à propos du premier averroïsme : « Notes sur Siger de Brabant. II. Siger en 1272-1275. Aubry de Reims et la scission des Normands », in Revue des Sciences philosophiques et théologiques, 68, 1984, p. 3-49, ici p. 9-10.

[31] I. Backus, « Why was the Compendium Aristotelis (ca. 1240) interesting to Hilarion of Verona in the 1470s ? », in The Journal of Medieval and Renaissance Studies, 17, 1987, p. 25-40.

[32] G. Dahan, « Encyclopédies et exégèse de la Bible aux XIIe et XIIIe siècles », in Cahiers de recherches médiévales, 6, 1999, p. 19-40, réédité in Id., Lire la Bible au Moyen Âge. Essais d’herméneutique médiévale, Genève, 2009, p. 103-133.

[33] I. Draelants, « La question ou le débat scolastique comme formes du discours scientifique dans les encyclopédies naturelles du XIIIe siècle : Thomas de Cantimpré et Vincent de Beauvais », in Scientiarum Historia, 31, 2005, p. 1-29.

[34] E. Kuhry, « Les diverses versions du Compendium philosophiae ou Compilatio de libris naturalibus Aristotelis, une encyclopédie du XIIIe siècle », in Spicae. Cahiers de l’Atelier Vincent de Beauvais, nouvelle série en ligne, n° 1, 2011. La thèse d’E. Kuhry est menée sous la direction d’I. Draelants et de C. Jacquemard.

[35] Rose, « Über die Griechischen Commentare zur Ethik… », p. 65 ; Grabmann, Forschungen über die lateinischen Aristotelesübersetzungen…, p. 74 ; Id., Methoden und Hilfsmittel…, p. 106 ; Ch. Lohr, « Medieval Latin Aristotle Commentaries Authors N – R », in Traditio, 28, 1972, p. 281-396, ici p. 380-383. Une description du manuscrit se trouve dans H. Fischer, Katalog der Handschriften der Universitätsbibliothek Erlangen. I. Bd : Die lateinischen Pergamenthandschriften, Erlangen, 1928, p. 328-332.

[36] Grabmann, Forschungen über die lateinischen Aristotelesübersetzungen…, p. 74-75 ; de Boüard, « Une encyclopédie médiévale jusqu’à présent inconnue… » p.125-126 ; Id., Une nouvelle Encyclopédie Médiévale…, p. 27-29 ; Grabmann, Methoden und Hilfsmittel…, p. 105-106 ; Lohr, « Medieval Latin Aristotle Commentaries… », p. 380-383.

[37] Lohr, « Medieval Latin Aristotle Commentaries… », p. 380-383.

[38] Er2, f. 227ra-rb ; Pav1, f. 63vb-64ra ; Mant, f. 132va-133ra.

[39] Aristote, Met. B, 2, 996b10-13, a Michele Scoto translata, in Aristotelis Metaphysicorum libri XIII cum Averrois Curdubensis in eosdem commentariis et Epitome, Aristotelis Opera cum Averrois commentariis, vol. VIII, Venetiis apud Iunctas, 1562 <reprint, Frankfurt am Main 1962>, 40K : Philosophia autem alia et prior, et nobilior, quam scientie alie consequuntur, necesse est ut sit causa complementi, et boni ; alie enim cause sunt propter istam causam ; Ibid., 41H : Deinde dicit : Philosophia autem altera, etc., id est, sed si concesserimus, quod omnis scientia dicitur Philosophia, tamen necesse est, ut scientia, que dicitur Philosophia simpliciter, sit illa, quae considerat in causa finali ultima omnium entium. Omnes autem causae sunt propter istam causam. Sur la traduction de la Métaphysique par Michel Scot, voir G. Vuillemin-Diem, Metaphysica, Lib. I-X, XII-XIV, translatio Anonyma sive ‘Media’ : Praefatio (AL, XXV/2), Leiden, 1976, p. xi-xii ; F. Bossier, La riscoperta di Aristotele, Milano, 2003 (Eredità Medievale 03/22), p. 69-79.

[40] Aristote, Met. A, 1, 981a25-31, in Metaphysica, Lib. I-IV.4, translatio Iacobi sive ‘Vetustissima’, cum Scholis et Translatio Composita sive ‘Vetus’, éd. G. Vuillemin-Diem, Bruxelles – Paris, 1970 (AL, XXV/1-1a), p. 6, 16-22 : Sed tamen scire est obtemperare arte experimento esse opinamur magis, et sapientiores artifices expertibus arbitramur, tamquam secundum id quod est scire magis sequatur sapientia omnes ; hoc autem est quoniam hii quidem causam sciunt, illi vero non. Expertes quidem enim ipsum quidem quia sciunt, sed propter quid nesciunt ; hii vero propter quid et causam cognoscunt ; Cf. Id., Met. A, 2, 982a22 – b2, Ibid., p. 8, 15- 9, 22. Id., Met., A, 2, 982b24-27, Ibid., p. 9, 24-27 : Manifestum igitur est quod propter neque unam ipsam querimus utilitatem alteram, sed sicut, dicimus, homo liber cum sui ipsius causa sit et non alterius, sic et hec sola liberalis scientiarum est ; Id., Met., A, 2, 983a5-12, Ibid., p. 10, 9-15 : Divinissima enim et honorabilissima est [i.e. methaphysica]. Sur la traduction de Jacques de Venise, voir G. Vuillemin-Diem, Metaphysica, Lib. I-IV.4 : Praefatio ; Id., « Jakob von Venedig und der Übersetzer der Physica Vaticana und Metaphysica media (Zu Datierungs- und Abhängigkeitsfragen) », in Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge, 41, 1974, p. 7-25 ; Ch. Burnett, « A Note on the Origins of the Physica Vaticana and Metaphysica Media », in Tradition et traduction : Les Textes Philosophiques et Scientifiques grecs au Moyen Âge latin : hommage à Fernand Bossier, R. Beyers, j. Brams, d. Sacré, k. Verrycken (éds.), Leuven, 1999 (Ancient and Medieval philosophy, 25), p. 59- 68 ; Bossier, La riscoperta di Aristotele in Occidente…, p. 49-51.

[41] A. de Libera, « Structure du corpus scolaire de la métaphysique dans la première moitié du XIIIe siècle », in L’enseignement de la philosophie au XIIIe siècle. Autour du ‘Guide de l’étudiant’ du ms. Ripoll 109 (Actes du colloque international), édités par Cl. Lafleur, avec la coll. de J. Carrier, Turnhout, 1997 (Studia Artistarum, 5), p. 61-88, ici p. 69-72 ; O. Boulnois, « Le besoin de métaphysique. Théologie et structures des métaphysiques médiévales », in La servante et la consolatrice. La philosophie dans ses rapports avec la théologie au Moyen Âge, études réunies par J.-L. Solère et Z. Kaluza, Paris, 2002 (Textes et Traditions, 3), p. 45-94, ici p. 53-56.

[42] Cf. supra, n. 27 et 31.

[43] Er2, f. 260vb ; Pav1, f. 79vb ; Mant, f. 171rb.

[44] Aristote, Éthique à Nicomaque, III, 15, 1119b12-13, éd. R.-A. Gauthier, Ethica Nicomachea, Leiden-Bruxelles, 1972 (AL, XXVI/2), p. 130, 14-16.

[45] Sur la révision des traductions de Burgundio par Hermann l’Allemand, Gauthier, Introduction, in Aristote, L’Éthique à Nicomaque…, p. 114 ; A.A. Akasoy, A. Fidora, « Hermannus Alemannus und die Alia Translatio der Nikomachischen Ethik », in Bulletin de philosophie médiévale, 44, 2002, p. 77-93.

[46] Gauthier, Introduction, p. 114 ; M.-Th. d’Alverny, « Remarques sur la tradition manuscrite de la Summa Alexandrinorum », in Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen âge, 49, 1982, p. 264-272, ici p. 267-270 ; P. Molnar, « Une étape négligée de la réception d’Aristote en Occident : Averroès, le Liber Nicomachie et la science politique », in Averroès et l’averroïsme (XIIe-XIVe siècles). Un itinéraire historique du Haut Atlas à Paris et à Padoue (Actes du colloque international organisé à Lyon, les 4 et 5 octobre 1999), A. Bazzana, N. Beriou, P. Guichard (éds.), Lyon, 2005 (Collection d’histoire et d’archéologie médiévales, 16), p. 265-273, ici p. 265-267.

[47] Chartularium Universitatis Parisiensis, H. Denifle (éd.), Paris, 1889, I, n. 246, p. 278 : Ethicas quantum ad quatuor libros in xii septimanis, si cum alio legatur ; si per se non cum alio, in medietate temporis. Cf. Ch. H. Lohr, « The New Aristotle and ‘science’ in the Paris Arts Faculty (1255) », in L’enseignement des disciplines à la Faculté des arts (Paris et Oxford, XIIIe-XVe siècles), O. Weijers, L. Holtz (éd.), Turnhout, 1997 (Studia Artistarum, 4), p. 251-271.

[48] Vincentii Bellovacensis, Speculum historiale, III, dans Vincentii Burgundi, ex Ordine Praedicatorum, Ven. Episcopi Bellovacensis, Speculum Quadruplex, Naturale [t. 1], Doctrinale [t. 2], Morale [t. 3], Historiale [t. 4], Duaci, Baltazaris Belleri, sub Circino aureo, 1624 [Reprint, Graz, Akademische Druck – u. Verlagsanstalt, 1964, 4 vol.], t. IV, 114a : Etiam <Aristoteles> scripsit libros Ethicorum quatuor. Cf. J. Hamesse, « Le dossier Aristote dans l’œuvre de Vincent de Beauvais. À propos de l’Éthique », in Vincent de Beauvais. Intentions et réceptions d’une œuvre encyclopédique au Moyen-Âge, S. Lusignan, M. Paulmier-Foucart, A. Nadeau (dir.), Saint-Laurent – Paris, 1990 (Cahiers d’études médiévales. Cahier spécial, 4), p. 197-217.

[49] Kuhry, « Les diverses versions du Compendium philosophiae »…

[50] G. Beaujouan, Manuscrits scientifiques médiévaux de l’Université de Salamanque et de ses ‘Collegios Mayores’ , Bordeaux, 1962 (Bibliothèque de l’École des Hautes Études Hispaniques, 32), p. 142-143 ; P. Dutton, « Excursus 1 : Salamanca, Biblioteca Universitaria 2322 », in « Material Remains of the Study of the Timaeus in the Later Middle Ages », in L’enseignement de la philosophie au XIIIe siècle…, p. 226-228 ; S. Donati, « Il commento alla Fisica di Adamo di Bocfeld e un commento anonimo della sua scuola », in Documenti e studi sulla tradizione filosofica medievale 9, 1998, p. 111-178, ici p. 120, 142 ; 10, 1999, p. 233-297 ; Id., « Un nuovo testimone dello Scriptum super metaphysicam di Riccardo Rufo di Cornewall (Salamanca, Bibl. Univ., Ms. 2322) », in Bulletin de Philosophie Médiévale, 45, 2003, p. 31-60. Une description plus récente du manuscrit de Salamanque se trouve en ligne : <http ://rrp.stanford.edu/Sala2322.100723.pdf>.

[51] M. Mabille, « Les manuscrits de Gérard d’Utrecht conservés à la Bibliothèque nationale de Paris », in Bibliothèque de l’Ecole des chartes, 129, 1971, p. 5-25, ici p. 13-14 ; G. Murano, Opere diffuse per exemplar e pecia, Turnhout, 2005 (FIDEM, Textes et études du Moyen Âge, 29), p. 425-426.

[52] À propos de la présence des moines cisterciens dans l’université médiévale, surtout à Paris, voir P. Glorieux, Répertoire des maitres en théologie de Paris au XIIIe siècle, Paris, 1933, vol. 2, p. 249-266 ; C. Obert-Piketty, « La promotion des études chez les cisterciens à travers le recrutement des étudiants du collège Saint-Bernard de Paris au Moyen Âge », in Cîteaux, 39, 1988, p. 65-78 ; Id., « Les lectures et les œuvres des pensionnaires du collège Saint-Bernard : Jalons pour l’histoire intellectuelle de l’Ordre de Cîteaux à la fin du Moyen Âge », in Cîteaux, 40, 1989, p. 245-289 ; Th. Sullivan, « The Monastic Orders at the Medieval University of Paris : a Prosopographical Analysis », in Université, Église, Culture. L’Université Catholique au Moyen Âge (Actes du 4e Symposium de la Katholieke Universiteit Leuven, 11-14 mai 2005), M. Loïc Roche (éd.), Paris, 2007, p. 435-476.

[53] Th. Falmagne, « Les cisterciens et les nouvelles formes d’organisation des florilèges aux 12e et 13e siècles », in Archivum Latinitatis Medii Aevi, 55, 1997, p. 73-176, ici p. 98-99 ; Obert-Piketty, « La promotion des études chez les cisterciens… ».

[54] Voir la liste des maîtres cisterciens à l’université de Paris et de leurs œuvres, publiée dans Obert-Piketty, « Les lectures et les œuvres des pensionnaires du collège Saint-Bernard… », p. 265-288. L’assomption du thomisme comme milieu théologique de l’Ordre commence avec Humbert de Preuilly. Cf. B. Hauréau, Histoire de la philosophie scolastique, II, 2, Paris, 1880, p. 130 ; M. Grabmann, « Humberti de Prulliaco († 1298) O. Cist. Abbatis de Prulliaco quaestio de esse et essentia, utrum differant realiter vel secundum intentionem, cum introductione historica edita », in Angelicum, 17, 1940, p. 352-369.

[55] Dans son étude sur la bibliothèque du collège Saint-Bernard, C. Obert-Piketty a identifié le manuscrit d’Erlangen comme l’un de ceux qui ont fait partie de cette bibliothèque. Cf. Obert-Piketty, « Les lectures et les œuvres des pensionnaires du collège Saint-Bernard… », p. 256.

[56] Anonymus, Compendium philosophiae, [éd. M. de Boüard, p. 121] : Cum omne desiderii compos, et maxime creatura racionalis, appetat suam perfeccionem, summa uero et finalis perfeccio hominis sit in cognicione unius infallibilis ueri, et in amore incommutabilis boni, quod est nosse et amare Creatorem suum, et medium precipue inducens ad cognoscendum et amandum Creatorem sit cognicio et consideracio Creatoris. Unde illud Romanos I : inuisibilia Dei a creatura mundi per ea que facta sunt intellecta conspiciuntur, etc. Et Sapiencia XIII : a magnitudine speciei etc. Sed hec, non tantum ad cognicionem, uerum eciam conferunt ad amorem Creatoris, iuxta illud Psalmum : delectasti me in factura tua, quasi diceret : delectacionem mihi prestitisti in te ex consideracione tue facture. Le sens de ces paroles au début du prologue est l’affirmation du paradigme de la connaissance de Dieu obtenue à travers la connaissance de la création. Cf. de Boüard, Une nouvelle Encyclopédie Médiévale…, p. 61 ; Dahan, « Encyclopédies et exégèse de la Bible aux XIIe et XIIIe siècles », p. 111-112. La présence du Compendium parmi les textes de la bibliothèque du collège Saint-Bernard doit être vue dans la perspective de la volonté de l’Ordre de Cîteaux de donner un très haut niveau de formation aux moines envoyés à l’université de Paris pour leurs études. Ceci témoigne bien de la composition de la bibliothèque du collège, à propos de laquelle C. Obert-Piketty (« Les lectures et les œuvres des pensionnaires du collège Saint-Bernard… », p. 265) note : « à l’instar de tous les centres intellectuels médiévaux, tant séculiers que réguliers, la bibliothèque des bernardins est avant tout constituée de livres bibliques, théologiques et scolastiques. Les œuvres de prédication et de spiritualité sont très rares, mais les manuscrits relevant des arts libéraux sont variés et nombreux pour un collège enseignant essentiellement la théologie. Il reste des domaines totalement absents, tels le droit, la littérature ou l’histoire. En définitive, la bibliothèque du collège, ou plutôt les manuscrits qui en sont issus témoignent de la volonté d’adaptation des cisterciens aux progrès intellectuels de leur temps ».

[57] Gauthier, Introduction, in Aristote, L’Éthique à Nicomaque…, p. 120 sq. ; Bossier, La riscoperta di Aristotele..., p. 83-86.

[58] Gauthier, Praefatio, in S. Thomae de Aquino, Sententia libri Ethicorum, p. 235* ; F. Bossier, La riscoperta di Aristotele..., p. 86.

[59] G. Vuillemin-Diem, Praefatio, in Aristoteles Latinus, Metaphysica, Lib. I-X, XII-XIV, translatio Anonyma sive ‘Media’, p. xiii ; Id., Praefatio, in Aristoteles Latinus. Metaphysica, Lib. I-XIV. Recensio et Translatio Guillelmi de Moerbeka, G. Vuillemin-Diem (éd.), Leiden, 1995 (AL, XXV/3.1), p. 1-2 ; Bossier, La riscoperta di Aristotele..., p. 114-115.

[60] C’est le cas de l’interprétation de l’Ethique à Nicomaque donnée par les maîtres ès arts avant 1250. Sur la critique de cette lecture par Thomas d’Aquin, R.-A. Gauthier a noté : « E memoria … Thomam magistrorum artium interpretationes eruisse, id ex falsa enodatione nominis ‘Olimpiadea’ quam adfert in libri I c. 12 lin. 188-192 … confirmatur : nam ‘Olympia’ esse ‘festa agonalia quae celebrantur in monte Olympo’ in Sententia Libri Physicorum (III c. 10 in 206 a 24-25) iam cum magistris artium perperam docuerat. Accedit quod veri simile non videtur Thomam post annum 1250 commentaria in Ethicam novam et veterem quae, post Librum Ethicorum a Roberto Grosseteste translatum et ab Alberto explanatum, iam obsoleta erant, etiam num legisse », R.-A. Gauthier, Praefatio, in S. Thomae de Aquino, Sententia libri Ethicorum, p. 237*.

[61] R.-A. Gauthier, « Notes sur les débuts (1225-1240) du premier ‘Averroïsme’ », in Revue de Sciences philosophiques et théologiques, 66, 1982, p. 321-374 ; Id., « Notes sur Siger de Brabant. 1. Siger en 1265 », in Revue de Science philosophiques et théologiques, 67, 1983, p. 201-232 ; Id., « Notes sur Siger de Brabant. II. » ; L. Bianchi, Il vescovo e i filosofi. La condanna parigina del 1277 e l’evoluzione dell’aristotelismo scolastico, Bergamo, 1990, p. 159-163 ; Id., « Censure, liberté et progrès intellectuel à l’Université de Paris au XIIIe siècle », in Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge, 63, 1996, p. 45-92. À propos de la Métaphysique et des évolutions de son interprétation à partir du milieu du XIIIe siècle, A. Tabarroni, « Il Creatore e le creature : fra teologia e metafisica », in La filosofia nelle università…, p. 239-267, ici p. 253. Pour l’Éthique à Nicomaque, voir R. Lambertini, « Felicità, virtù e ‘ragione pratica’ : aspetti della discussione sull’etica », in La filosofia nelle università…, p. 305-343, ici p. 308-309.

 

Pour citer l'article: 

R. Saccenti, « À propos de la datation d’un témoin de la morale aristotélicienne du XIIIe siècle : le Compendium philosophiae : rappel historiographique et orientations de recherche », in Spicæ, Cahiers de l’Atelier Vincent de Beauvais, nouvelle série, 1, 2011 <consulté en ligne le (date) à l’adresse : spicae-cahiers.univ-lorraine.fr/node/26>