La vita de saint François contenue dans le Speculum historiale de Vincent de Beauvais est une compilation de la Vita Sancti Francisci de Julien de Spire. Elle n’est pas souvent consultée dans les études franciscaines. Pourtant, la révision qu’en fait l’éditeur du Speculum maius révèle que même un résumé de la vie du saint constitue un défi pour une œuvre de plus en plus dominicaine, raison pour laquelle elle a dû être ajustée. Cet article explore la représentation de François dans le Speculum historiale de Vincent de Beauvais, en regard de celle que livre le Speculum morale pseudépigraphe, composé par un franciscain, mais révélant une manipulation similaire de la vita du saint. Je soutiens que les deux specula sont menacés par le caractère visionnaire et charismatique du saint — l’Historiale par l’ombre qu’il jette sur Dominique comme fondateur de l’Ordre, et le Morale par le zèle potentiellement dangereux que son exemple pourrait inspirer — et visent dès lors à construire un François qui soit un compromis acceptable qui réponde à leurs besoins particuliers. L’analyse de la construction de la personne de François dans les deux œuvres associées à Vincent de Beauvais est une preuve supplémentaire de la perception fluctuante et de l’utilisation pragmatique de François dans la seconde moitié du XIIIe et au début du XIVe siècle, et offre une nouvelle compréhension du contexte entourant la composition du Speculum morale.
The vita of Saint Francis contained in the Speculum historiale of Vincent of Beauvais is a compilation of the Vita Sancti Francisci of Julian of Speyer, and is not often consulted in Franciscan studies. Yet the editor’s revision of the Speculum reveals that even a digest of the saint’s life posed a challenge to an increasingly Dominican agenda, and had to be adjusted. This paper explores the portrayal of Francis in the Speculum historiale alongside with the ps-Vincentian Speculum morale, composed by a Franciscan but revealing a similar manipulation of the saint’s vita. I argue that both specula are threatened by the visionary and charismatic nature of the saint — the Historiale by the shadow he cast over Dominic and the Morale by the potentially dangerous zeal his example could inspire — and both construct a Francis that is an acceptable compromise fitting their particular needs. The analysis of the construction of the persona of Francis in the two works associated with Vincent of Beauvais provides further evidence for the fluid perception and pragmatic use of Francis in the second half of the thirteenth and early fourteenth centuries, and new understanding of the context surrounding the appearance of the Speculum morale.