Les différentes versions du Compendium philosophie ou Compilatio de libris naturalibus Aristotelis, une encyclopédie du XIIIe siècle

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Emmanuelle KUHRY

 

Introduction

 

À la fin du XIIe siècle en Occident, l’apport des nouvelles traductions du corpus aristotélicien, en provenance du monde arabe ou faites directement à partir du grec, impose la création immédiate et continue, pendant tout le XIIIe siècle, d’outils sur-mesure destinés à faciliter la compréhension et l’interprétation de ce corpus : commentaires, abrégés, florilèges, lexiques, auctoritates. Dans le même temps, les encyclopédistes des XIIe-XIIIe siècle intègrent des parcelles de ce corpus dans leurs sommes du savoir, aux côtés d’autres types de sources. Le Compendium philosophie ou plutôt Compilatio de libris naturalibus Aristotelis et aliorum quorundam philosophorum se situe au croisement de ces deux mouvances.

Mentionné pour la première fois par Valentin Rose[1] en 1871 puis par Martin Grabmann[2] en 1916, ensuite objet d’une thèse de l’École des Chartes par Michel de Bouärd en 1936[3], ce texte reste encore mal connu. Il fut édité en partie dans la thèse de M. de Bouärd à partir du seul ms. BNF lat. 15879[4], mais on dispose aujourd’hui pour ce texte d’une liste de 37 témoins, dont les dernières entrées ont été ajoutées par Charles Lohr, Baudouin Van den Abeele et Isabelle Draelants[5]. Dans le cadre de la thèse que nous menons et qui a pour objectif l’édition critique et l’étude de l’œuvre, nous avons pu, pour l’instant, ajouter à cette liste un seul témoin fragmentaire, mais aussi distinguer des identifications erronées. En effet, le titre de Compendium philosophie donné pour l’oeuvre dans certains catalogues reste vague et peut recouvrir d’autres réalités, en particulier à partir du XIIIe siècle, où toutes sortes d’abrégés du corpus aristotélicien sur la nature apparaissent, mais également à partir du XVe siècle où ce genre de titre désigne de plus en plus des cours de philosophie.

Cette œuvre, anonyme dans la plupart des témoins manuscrits, a cependant fait l’objet, sur la base de certaines mentions anciennes, de diverses tentatives d’attribution : à Philippe de Vitry[6], qu’il s’agisse du célèbre théoricien de la musique ou d’un maître ès arts parisien du milieu du XIIIe s. ; à un Albertus, dans lequel certains voient un dominicain, que ce soit Albertus de Orlamünde[7] ou Albert le Grand[8] ; enfin à l’auteur du Compendium theologie Hugues Ripelin de Strasbourg, en partie à cause de la cœxistence, dans certains manuscrits[9], du texte avec le Compendium theologie qui lui est attribué. M. de Bouärd est l’auteur de la dernière hypothèse, qui date l’oeuvre des années 1270 et la considère comme une œuvre rédigée en Allemagne, en lien avec le studium dominicain de Strasbourg[10]. Cette hypothèse est aujourd’hui réfutée[11] au profit d’une datation qui s’approcherait davantage des années 1240 : en effet, notre auteur semble ignorer les nouvelles traductions de la Métaphysique et de l’Ethique qui apparaissent vers le milieu du XIIIe siècle[12]. L’identification des œuvres et des traductions utilisées par l’auteur permettra sans doute de préciser un contexte géographique et chronologique de rédaction[13].

La Compilatio de libris naturalibus Aristotelis et aliorum quorundam philosophorum, comme son titre l’indique, est une compilation sur la nature rédigée principalement à partir d’extraits des traités de philosophie naturelle d’Aristote, mais également à partir des commentateurs du corpus aristotélicien, Averroès, Avicenne, Al-Farghâni, Alfred de Shareshill. On y trouve aussi des extraits de Platon via son commentateur Calcidius ; plus rarement, des allusions à l’Écriture, et à des auteurs classiques comme Sénèque, Pline, Ovide, Virgile. S’y ajoutent les traditionnels Boèce et Isidore et des citations peu nombreuses des Pères de l’Église. Ces extraits ou citations peuvent être plus ou moins récrits par le compilateur dans un but d’abréviation ou de clarification ; ils peuvent aussi être donnés ad litteram.

Le texte, de taille considérable puisque la compilation occupe généralement de 100 à 150 feuillets selon les manuscrits, est divisé en huit livres, composés chacun de chapitres thématiques. Dans le prologue, l’auteur annonce qu’il veut, au travers de la connaissance de la Création, amener le lecteur à la connaissance et à l’amour du Créateur. Suit le premier livre sur Dieu et la Trinité, puis un deuxième sur la cosmologie, les phénomènes météorologiques, les métaux... ; un troisième livre traite des végétaux ; un quatrième des animaux ; un cinquième de l’homme et de l’anatomie humaine ; un sixième se consacre au mouvement, à la génération et à la corruption, au temps et au lieu ; un septième aux choses de la raison comme la philosophie, les sciences, le droit... ; le huitième et dernier livre porte sur la morale et consiste principalement en un commentaire serré de l’Ethica vetus et de l’Ethica nova.

 

Les manuscrits

 

À ce jour, la liste des témoins conservés et connus pour ce texte est la suivante (on donne à la fin de chaque rubrique le sigle attribué aux manuscrits qui ont été vus) :

· Berlin, Staatsbibliothek Preussische Kulturbesitz lat. oct. 142, (orig. Paris), 154 ff., f. 5v-130v, a. 1325 = Be

· Bordeaux, Bibliothèque municipale 422, (prov. Petits Carmes), 146 ff., f. 1-146, XIVe s. = Bo

· Cambrai, Bibliothèque municipale 1008 (olim 906), (prov. Mons, Val des Écoliers ( ?) ; Cathédrale de Cambrai), 263 ff., f. 7v-131, a. 1327 = Ca

· Cambridge, Emmanuel College 247, 89 ff., f. 6-89, XVe s. (M. Grabmann)

· Cambridge, Jesus College 75, (prov. Cisterciens de Kirkstal), 219 ff., f. 69-198, XIIIe-XIVe s.

· Erlangen, Universitätsbibliothek 215, (prov. Cisterciens de Heilsbronn), 117 ff., f. 1-110, XIVe s. = Er1

· Erlangen, Universitätsbibliothek 276, (prov. Würzburg ( ?) ; Cisterciens de Heilsbronn), 317 ff., f. 172-279v, fin XIIIe s. = Er2

· Eton College 74, XVe s. (fragment sur f. III)

· Firenze, Biblioteca Medicea Laurenziana Ashburnham 1251, 137 ff., f. 1-137, XIVe s.

· Firenze, Biblioteca Medicea Laurenziana Ashburnham 1546, 141 ff., f. 12-136v, XIIIe-XIVe s.

· Firenze, Biblioteca Medicea Laurenziana Pluteus 89 sup. 55, 373 ff., XVe s.

· Fribourg, Couvent des Cordeliers 54, 291 ff., f. 167v-192v, XVe s.

· Glasgow, University Library Hunter 231 (U.3.4), 243 ff., f. 162-238v, XIVe s. = G

· Innsbruck, Universitätsbibliothek 363 (prov. Liège ?), 148 ff., f. 1-141, XIIIe-XIVe s. = I

· Manchester, J. Rylands Library 150 (prov. Cisterciens de Whalley), 6+240 ff., f. 1-219, XIIIe-XIVe s.

· Mantova, Biblioteca Comunale 271 (C.I.9), (prov. S. Benedetto Po detto Polirone), 196 ff., f. 1-187, XIVe ou XVe s. = Mant

· Modena, Biblioteca Estense α.Q.7.26

· Oxford, Balliol College 246, 271 ff., f. 170-181v, XIVe s.

· Paris, Bibliothèque nationale de France lat. 3430, 245 ff., f. 129-245, XIVe s. = Par1

· Paris, Bibliothèque nationale de France lat. 15879, (prov. Sorbonne), 176 ff., f. 127-179v, a. 1320 = Par2

· Pavia, Biblioteca Universitaria Aldini 108, (prov. Ermites de st. Augustin de Pavie), 129 ff., f. 5-87v, fin XIIIe s. = Pav1

· Pavia, Biblioteca Universitaria Aldini 237, 90 ff., f. 1-85, XIVe s. = Pav2

· Pistoia, Biblioteca Forteguerriana D.269, (prov. Pistoia, San Francesco a Giaccherino), 3+141 ff., f. 1-130, XIVe s.

· Poitiers, Bibliothèque municipale, 152, 53 ff., f. 1-53, XIVe s. = Po

· Salamanca, Biblioteca Universitaria 2322 (olim Madrid, Biblioteca del Palacio real 1893), (prov. Franciscains « in Podio »), 191 ff., f. 1-71v, a. 1308 = Sala

· Salisbury, Cathedral Library 170, 312 ff., f. 196-311, XIIIe-XIVe s.

· Sevilla, Biblioteca Capitular y Colombina 7.3.40, (prov. Padua), 185 ff., f. 9-184, a. 1302

· Troyes, Bibliothèque municipale 1488, (prov. cisterciens de Clairvaux), 202 ff., f. 1-119, début XIVe s. = Tr1

· Troyes, Bibliothèque municipale 1769, (prov. Cisterciens de Clairvaux), XIVe s. (fragment du livre II dans la reliure) = Tr3

· Troyes, Bibliothèque municipale 1943, (prov. Cisterciens de Clairvaux), 103 ff., f. 20-103v, XIVe-XVe s. = Tr2

· Tübingen, Universitätsbibliothek Mc 197, (prov. Cisterciens de Königsbronn), 102 ff., f. 1-94, a. 1376 = Tub

· Uppsala, Universitetsbiblioteket Carolina Rediviva C67, (prov. France ; Cisterciens d’Alvastra ; Brigittines de Vadstena), 155 ff., f. 9-119, a. 1302 = U1

· Uppsala, Universitetsbiblioteket Carolina Rediviva C649, (prov. Brigittines de Vadstena), 122 ff., f. 9-116, XIVe s.= U2

· Vatican, Biblioteca Apostolica Vaticana Chigi E.IV.117, ff. 1-24, XVe-XVIe s.

· Vatican, Biblioteca Apostolica Vaticana Ottob. lat. 1521, 146 ff., début XIVe s.

· Vatican, Biblioteca Apostolica Vaticana Ross. 175, 60 ff., XIVe s.

· Vatican, Biblioteca Apostolica Vaticana Vat. lat. 3009, 172 ff., fin XVe s.

En revanche, on peut dès maintenant retirer de la liste les manuscrits suivants :

· London, British Library Add. 8786, XIVe s., mentionné par B. Van den Abeele : il s’agit du Compendium philosophie de Roger Bacon[14] suivant l’incipit et l’explicit donnés par le catalogue de la British Library :

f. 2 : Ostensum quippe in principio huius compendii philosophiae...

f. 10v : et tale formale (?) est universaliter terminus generationis

· Paris, Bibliothèque nationale de France lat. 14938, XIIIe s., ajouté par Ch. Lohr : la consultation du manuscrit a révélé un florilège aristotélicien mais pas de trace de notre compilation.

De cette liste, on peut dès à présent avancer quelques constats généraux. Au moins neuf manuscrits sur les 37 connus, soit près d’un quart du total, sont passés par des canaux de diffusion cisterciens. D’autre part, la production de la très grande majorité des témoins peut être datée d’une période allant de la fin du XIIIe au milieu du XIVe s., ce qui indique une forte volonté de faire reproduire le texte dans un laps de temps relativement court. Cette hypothèse est renforcée par la grande proximité du texte à l’intérieur des différentes versions de celui-ci, comme nous allons le voir.

L’examen de vingt de ces manuscrits, que nous avons pu obtenir en reproduction à l’Atelier Vincent de Beauvais ou, pour l’un d’entre eux, consulter directement, a en effet révélé l’existence de plusieurs versions du texte, chose qui avait jusque là échappé à tous ceux qui ont étudié l’œuvre car ceux-ci se sont exclusivement fondés sur le manuscrit Par2, lui-même utilisé par M. de Bouärd pour son édition partielle du texte. M. de Bouärd avait cependant signalé l’existence de rédactions différentes, notamment dans le manuscrit Pav2[15].

Nous souhaiterions, avant d’entrer dans le vif du sujet, mettre en garde le lecteur sur les objectifs de l’article. N’ayant pu examiner que la moitié environ des témoins connus pour ce texte, nous devons garder à l’esprit le caractère temporaire et ponctuel des remarques que nous allons faire, qui ne visent qu’à donner un état des lieux de nos recherches. Cet état des lieux évoluera sans doute au fur et à mesure que nous aurons pu consulter d’autres témoins.

Notre ambition, dans cette contribution, est de donner un aperçu des principales caractéristiques de la tradition manuscrite de ce texte, et de formuler une hypothèse, grâce à des indices de type philologique, sur le mode et les formes de diffusion de l’œuvre.

La collation des manuscrits pour une même portion de texte[16] et l’enregistrement des variantes du livre III en XML-TEI[17] a permis de dégager trois versions principales : une version courte C (mss. Be, Bo, Er1, I, Po, Sala, Tr1, Tr2, Tr3, U1), et deux versions longues : L (mss. Par1, Par2, Ca) et Λ (mss. Er2, G, Mant, Pav1, Pav2, Tub)[18]. La différence essentielle entre les versions longues et la version courte réside dans la présence, dans les versions longues, de citations entières qui n’existent pas dans la version courte.

En dehors de ces manques, le texte de C et de L paraissent très semblables, à l’exception de quelques variantes mineures. En revanche, le texte de Λ comporte des passages formulés différemment de C et de L. D’autre part, Λ comporte, en de très rares endroits, du texte en sus par rapport à L.

Pour illustrer ceci, examinons l’état du texte dans le chapitre 14[19] du livre III, De spinis (les divergences sont soulignées au moyen du gras) :

· dans Tr2 qui contient la version C :

De spinis.

Spina a pungendo dicitur eo quod sit acuta ut spica. Dicit Aristotiles in primo vegetabilium quod in quibusdam arboribus habundat humor viscosus, qui calore exteriore exteriore [sic] attractus et calore interiore expulsus in parte eius superiori propter sui velocitatem et subtilitatem velocius et longius a cortice plante expellitur. Ita quod ille humor coagulatus manet sub figura pyramidali, quia humor, qui est materia spine, elongatus a planta minor est et subtilior ; pars vero eiusdem humoris propinquior longo grossior est. Et ita pyramidatur.

· dans Par2, qui contient la version L :

De spinis.

Spina a pungendo dicitur eo quod sit acuta ut spica. Spinarum multa sunt genera. Spinas dicimus ledentes. Spina in igne stridet. Ignem accendit. Vulnus facit. Sanguinem elicit. Folia habet, flores prodit. Coloris optimi et odoris iocundi. Dicit Aristotiles in primo vegetabilium quod in quibusdam arboribus habundat humor viscosus, qui calore exteriore attractus et calore interiore expulsus in parte eius superiori propter sui velocitatem et subtilitatem velocius et longius a corpore plante expellitur. Ita quod ille humor coagulatus manet in figura pyramidali. Idem in eodem dicit quod spine non sunt de genere plante, neque de natura eius essentiali, sed generatur in planta sic. In quibusdam enim plantis in quibus sunt multe raritates in principio digestionis nutrimenti ascendit humor frigidus parum calefaciens et decoctus per illas raritates usque ad partes exteriores plante. Quem humorem cum attigerit calor solis coagulat ipsum et dirigit in substantiam spinarum. Quod autem figuram pyramidalem habent ex eo est quod humor qui est materia spine elongatus a planta est subtilior ; pars vero eiusdem humoris propinquior ligno est grossior. Et ita pyramidatur.

· dans Pav1, qui contient une version Λ quelque peu fautive :

De spinis.

Spina a pungendo dicitur eo quod sit acuta ut spica. Spinarum multa sunt genera. Spinas dicimus sentes. Spina in genere stridet et ipsum ascendit. Spina vulnus facit. Sanguinem elicit. Folia habet et flores producit. Caloris optimi et odoris iocundi. Item dicit Aristotiles in primo vegetabilium de generatione spinarum vel in quibusdam arboribus habundat humor viscosus, qui calore interiore expulsus in parte eius superiori propter sui subtilitatem velocius et longius a cortice plante expellitur. Ita quod ille humor coagulatus manet in figura pyramidali. Idem in eodem dicit quod spine non sunt de genere plante nec de natura eius essentiali, sed generantur sic. In quibusdam enim plantis in quibus sunt multe raritates in principio digestionis nutrimenti ascendit humor frigidus parum calefaciens et decoctus per illas raritates usque ad partes exteriores plante. Quem humorem cum attingerit calor solis coagulat ipsum et dirigit in substantiam spinarum. Quod autem signum piramidalem habent ex eo quod humor qui est materia spine elongatus a planta minor est et subtilior ; pars vero huiusdem humoris propinquior ligno grossior est. Et ita piramidatur.

Ces exemples permettent de juger des divergences entre C et les versions L et Λ, mais ils illustrent peu les différences fondamentales entre L et Λ. Pour aller plus loin, on peut choisir un autre passage dans le texte, à savoir le prologue du livre III  :

· dans Tr2 (version courte) :

Habito nunc dictoque de generatione inanimatorum, iam dicendum est de corporibus animatis. Que quidem corpora animata tria sunt in genere, scilicet vegetabilia, sensibilia et rationabilia, secundum divisionem anime. Anima enim dividitur in vegetativam, sensitivam et rationalem, et hee anime secundum philosophos suis uniuntur corporibus, sed diversimode, secundum diversas lucis essentias. Est enim una lux celi siderei que disponit corpora vegetativa ad susceptionem vegetative. Alia lux celi aquei sive cristallini que disponit corpora sensitiva ad susceptionem sensitive. Tertia lux celi Empyrei que disponit corpora ad susceptionem intellective. Acturi igitur de animatis hac triplici anima primo agamus de vegetabilibus.

· dans Par2 (version longue L) :

Habito nunc dictoque de generatione inanimatorum, iam dicendum est de corporibus animatis. Que quidem corpora animata tria sunt in genere scilicet vegetabilia. sensibilia et rationabilia, secundum divisionem anime. Anima enim dividitur in vegetativam sensitivam rationalem, et hee anime secundum philosophos suis uniuntur corporibus, sed diversimode. secundum diversas lucis essentias. Est enim una lux celi syderei vegetative [sic]. Alia est lux celi aquei sive cristallini que disponit corpora sensitiva ad susceptionem sensitive. Et attendendum quod non dicitur celum aqueum quod ibi sit aqua sed quia mediante luce celi aquei unitur anima sensitiva corpori humano, que quidem sensitiva recipit ymagines et similitudines rerum sensibilium. sicut aqua recipit ymagines rerum et eas representat visui. Non sit autem aer, sed tantum recipit et non representat. Tertia est lux celi Empyrei que representat et disponit corpora ad susceptionem intellective. Acturi igitur de animatis hac triplici anima primo agamus de vegetabilibus.

· dans Pav1 (version longue Λ) :

Dicto nunc dictoque de generatione inanimatorum, iam dicendum est de corporibus animatis. Que quidem animata corpora tria sunt in genere, scilicet vegetabilia, sensibilia et rationabilia, secundum divisionem anime. Anima enim dividitur in vegetativam, sensitivam et rationalem, et hee anime secundum philosophos suis uniuntur corporibus, sed diversimode, secundum diversas lucis existentias. Est enim una lux celi siderei alia celi aquei sive cristallini. Tertia lux empirei. Lux vero celi syderei disponit corpora vegetabilia ad susceptionem vegetative. Lux vero celi aquei disponit corpora sensibilia ad susceptionem sensitive. Et attendendum quod non dicitur celum aqueum, quod ibi sit aqua, sed quod mediante luce celi aquei unitur ipsa sensitiva corpori humano, que quidem sensitiva recipit ymagines et similitudines rerum sensibilium, sicut aqua recipit ymagines et similitudines rerum sensibilium, sicut aqua recipit similitudines et ymagines rerum et eas representat visui. Non sit autem aer, sed tantum recipit et non representat. Lux vero celi empirei magis disponit corpora ad susceptionem intellective. Actualiter igitur de animatis hac triplici anima primo agamus de vegetabilibus.

On note que l’énoncé allant de Est enim una lux jusque susceptionem sensitive a été abrégé dans la version L ou au contraire développé dans la version Λ.

En somme, on constate que les versions L et Λ diffèrent principalement dans l’organisation du contenu des phrases et dans leur degré d’abréviation.

Il est intéressant de noter en particulier que les marqueurs de citations, autrement dit les énoncés introduisant la citation et contenant la référence à l’auteur et à l’oeuvre dont est extraite cette citation, sont régulièrement développés dans la version Λ et considérablement réduits à leur plus simple expression dans la version L et surtout dans la version C. Ainsi trouve-t-on dans le chapitre 22 du livre III, De radice :

· dans Tr2 :

De radice.

Radix appellatur quod quasi radiis quibusdam fixa in profundo terris demergitur. Dicit in primo de plantis quod humor seminarius maxime viget in plantarum radicibus. Idem secundum multitudinem radicum multiplicantur et rami, et que arbor unicam habet radicem, unicum et habet ramum. Et sic de ceteris. Idem radices in solidioribus partibus terre erunt.

· dans Par2 :

De radice.

Radix appellatur quod quasi radiis quibusdam fixa terris in profundo demergitur. Nam philosophi dicunt parem altitudinem esse radicum et arborum. Alii radicem a similitudine radiorum dictam putant, vel quia si eradicetur repululat. Radix terre infigitur aspera est et occulta, arborem quasi sustinet, ad ramos mittit humorem. Sub terra serpit. Radices partiales undique emittit, ad aquilonem, orientem et occidentem et austrum. Item Aristotiles in primo de plantis dicit quod humor seminarius maxime viget in plantarum radicibus. Idem secundum multitudinem radicum multiplicantur et rami, ut arbor que unicam habet radicem, unicum habet et ramum. Et sic de ceteris. Idem in secundo eiusdem radices in solidioribus partibus terre erunt.

· dans Pav1 :

De radice.

Radix appellatur quasi quibusdam radiis fixa terris in profundum dimergitur. Nam philosophi dicunt parem esse artitudini arborum. Alii radicem a similitudine radiorum dictam putant, vel quia si eradicatur repululat. Radix infigitur terre sustinet, ad ramos mittit humorem. Sub terra serpat. Radices partiales ex se und(...) emittit, ad aquilonem et orientem et ad occidentem et austrum. Item Aristotiles in primo de plantis dicit quod humor seminarius maxime viget in radice. Idem in eodem primo dicit quod secundum multitudinem radicum multiplicant rami, ut que arbor unicam habet radicem unicum habet et radicum. Et sic de ceteris. Idem in secundo eiusdem radices in duris partibus terre erunt, hoc est in locis solidioribus.

 

Répartition des manuscrits dans les différentes versions

 

Nous avons pu étudier pour l’instant un ensemble de vingt manuscrits et, pour chacun d’entre eux, déterminer l’appartenance à une version particulière. Les informations que nous donnons ci-après sont principalement issues des catalogues de bibliothèques[20].

Parmi ces vingt, dix d’entre eux contiennent la version courte du texte (ou C) :

· Berlin, lat. oct. 142 (Be) : ce manuscrit provient de la collection Morbio mise en vente en 1889 à Leipzig. Il est attribué dans l’explicit à un Albertus :

Explicit tractatus Alberti qui dicitur Compendium philosophie.[21]

La transcription du livre III faite à Berlin par I. Draelants nous a permis de déterminer que le manuscrit portait la version courte du texte.[22]

· Bordeaux, BM 422 (Bo) : provenant de la bibliothèque des Petits Carmes, ce manuscrit est daté du XIVe s. et contient le texte complet de l’œuvre.[23]

· Erlangen, UB 215 (Er1) : ce premier manuscrit d’Erlangen, anciennement coté Irmischer 442, provient, comme Er2, de l’abbaye cistercienne de Heilsbronn. Datée du XIVe s., l’écriture s’apparenterait à une main française de l’époque selon le catalogue de H. Fischer[24].

· Innsbruck, UB 363 (I) : ce témoin est daté du tournant des XIIIe-XIVe s[25].

· Poitiers, BM 152 (Po) : ce volume serait daté du XIVe s[26]. 53 feuillets sont conservés de ce manuscrit incomplet. Le texte du Compendium s’arrête au milieu du livre VI. Douze feuillets ont été coupés, amputant le texte de la compilation des livres III et IV.

· Salamanca, 2322 (Sala) : ce manuscrit daté de 1308 comporte trois parties distinctes dont la première est consacrée au Compendium philosophie et s’arrête au f. 71v. La deuxième partie du manuscrit contient la Dissertatio in Metaphysicam Aristotelis de Richard Rufus et des Notitiae super Physicam Aristotelis ; enfin le dernier morceau comporte le Super Timeum Platonis de Guillaume de Conches.[27].

· Troyes, BM 1488, 1943 et 1769 (Tr1, Tr2 et Tr3) : les deux premiers volumes, datés pour le premier du début du XIVe s. et pour le second des XIVe-XVe s., portaient respectivement les cotes L.43 et V.17 de l’ancienne bibliothèque cistercienne de Clairvaux[28].

La bibliothèque de Clairvaux possédait au moins un autre exemplaire du Compendium[29], dont un fragment du livre II se trouve dans la reliure de Tr3. Le peu de texte visible nous permet tout de même de conclure qu’il s’agissait également d’une version courte du texte.

· Uppsala, UB C67 (U1) : ce manuscrit, vraisemblablement d’origine française d’après la main et la décoration[30], est daté de 1302 d’après l’explicit et provient du couvent de Brigittines de Vadstena, auquel il a été donné par le confesseur de sainte Brigitte Pierre Olafson, prieur du monastère cistercien d’Alvastra.[31]

Le Compendium philosophie y est précédé d’une table des chapitres. La fin du volume est occupée par le Compendium theologie. Dans ses marges, ce manuscrit présente, outre sa décoration particulière, une spécificité que nous évoquerons plus loin.

On retrouve la version longue L dans trois codices :

· BNF lat. 15879 (Par2) : ce manuscrit daté de 1320[32] a appartenu à Gérard d’Utrecht qui en est peut-être le commanditaire car on retrouve la même main de copiste dans plusieurs autres manuscrits lui ayant appartenu. À cela on peut ajouter que, étant contemporain de la date de copie du texte et ayant fait copier un autre ouvrage par le même copiste en 1319[33], le maître parisien est certainement celui qui l’a fait exécuter (ou du moins a-t-il dû l’acquérir très peu de temps après sa date de copie). Le volume fut ensuite légué à la Sorbonne d’après l’ex-libris figurant au revers de la couverture :

Iste liber est pauperum magistrorum de Sorbona, ex legato magistri Gerardi de Trajecto, quondam socii domus.

C’est d’après ce seul témoin que M. de Bouärd a établi son édition partielle du texte[34]. Les premiers feuillets y sont occupés par le Commentaire sur les Sentences de Durand de Saint-Pourçain et la Lectura super capitulum « firmiter credimus ».

· Cambrai, BM 1008 (Ca) : ce témoin provient du chapitre de la cathédrale de Cambrai[35].

La fin du volume se trouve occupée par le Compendium theologie du dominicain Hugues Ripelin évoqué plus haut.

M. de Bouärd avait noté[36] que l’état du texte conservé dans ce manuscrit semblait très proche du ms. Par2, ce que nous pouvons confirmer : les variantes entre les deux témoins sont relativement rares et portent généralement sur des inversions de place entre deux mots.

· BNF lat. 3430 (Par1) : nous avons pu consulter ce manuscrit daté du XIVe s. directement.[37]

Le volume s’ouvre sur le Compendium theologie. Le Compendium philosophie, précédé par une table des chapitres, occupe le reste du volume. Plusieurs lignes ont été grattées après l’explicit : nous n’avons pas encore eu l’occasion de tenter de révéler ce qui a été effacé. Avec le manuscrit de Glasgow, ce témoin possède la décoration la plus soignée que nous ayons pu voir pour l’instant : les initiales de chapitres sont peintes sur fond d’or et sont agrémentées de motifs végétaux ou animaux, et les deux initiales de début d’oeuvre sont historiées sur fond rouge et bleu avec une scène représentant, pour le Compendium theologie, un moine en adoration devant une vierge à l’enfant sur fond rouge, et pour le Compendium philosophie, une scène d’enseignement sur fond bleu.

La version longue Λ est conservée dans six témoins :

· Erlangen, UB 276 (Er2) : plus ancien qu’Er1, cet ancien volume de l’abbaye de Heilsbronn est daté de la fin du XIIIe s. Il comprend, outre le Compendium, des sermons et traités de Bernard de Clairvaux et de Thomas d’Aquin.[38] Le manuscrit a été identifié comme l’un des exemplaires survivants de la bibliothèque du collège Saint-Bernard de Paris[39].

· Mantova, B. Civica, 271 (C.I.9) (Mant) : ce témoin du XIVe ou du XVe s.[40] provient du monastère bénédictin de Saint-Benoît de Polirone. On y trouve à la suite du Compendium mais d’une autre main, commençant au feuillet 187v, un chapitre sur les oiseaux correspondant au livre XII du De proprietatibus rerum de Barthélémy l’Anglais[41]. Enfin, un index des matières vient clôturer le volume (ff. 193v à 196).

· Pavia, BU, Aldini 108 (Pav1) : ce manuscrit daté de la fin du XIIIe ou du début du XIVe s.[42] présente un texte qui finit au chapitre 103 du livre VIII : comme l’avait fait remarquer M. de Bouärd[43], il manque dans ce témoin les derniers chapitres de conseils aux maîtres et étudiants[44]. Précédé d’un index des chapitres sur quatre feuillets, le Compendium laisse place à la Vita Secundi puis au De proprietatibus rerum de Barthélémy l’Anglais.[45]

· Pavia, BU, Aldini 237 (Pav2) : il s’agit là d’un manuscrit du XIVe s. qui comporte, après le texte, le même chapitre sur les oiseaux et le même index des matières que Mant[46].

· Glasgow, UL, Hunterian 231 (U.3.4) (G) : ce témoin du XIVe s.[47] a été copié en Angleterre pour le compte de Roger de Waltham (mort entre 1332 et 1341)[48].

Le volume est très enluminé bien que la partie contenant le Compendium soit dépourvue d’illustrations comme dans la plupart des autres manuscrits, si l’on excepte une peinture en pleine page figurant Platon, Sénèque et Aristote sur le recto du feuillet précédant le début du texte.[49]

Incomplet, le texte du Compendium est amputé de quelques chapitres du livre VIII. Bien qu’appartenant sans aucun doute à la version Λ, le texte présent dans ce volume présente des lacunes qui laissent à penser que l’on a délibérément abrégé les chapitres en coupant certaines phrases et en laissant de côté des citations entières.

· Tübingen, UB Mc 197 (Tub) : ce manuscrit a été copié en 1376 par un moine de l’abbaye cistercienne de Königsbronn[50]. Le texte en est extrêmement proche de Er2, au point que l’on doive supposer qu’ils ont été copiés sur le même témoin.

 

Un dernier témoin, le ms. Uppsala, UB C649 (U2), présente un état particulier du texte qui sera détaillé plus loin (voir ci-dessous p. 18). Daté du XIVe s. et provenant, comme U1, du couvent de Brigittines de Vadstena, il est écrit d’une main caractéristique de la Gebrauchhandschrift de Vadstena[51]. Il constitue vraisemblablement une copie de U1. Une table des chapitres couvre les ff. 2 à 8v. Le texte du Compendium est suivi de Sophismata.

 

Mant et U1 : exemple de deux cas de contamination

 

Nous pouvons à présent nous arrêter sur quelques manuscrits particuliers qui nous renseignent sur les pratiques de lecture et de collation de l’époque. Pour cela, nous prendrons en compte principalement les manuscrits de Mantova et Uppsala.

Le texte contenu dans Mant, comme nous l’avons évoqué plus haut, appartient à la version longue Λ dans un état très proche de celui que l’on peut voir dans Er2 et Pav1. Le manuscrit a régulièrement été corrigée par une autre main sur un exemplaire du Compendium proche du texte contenu dans Pav2. On constate par là qu’à l’intérieur des trois versions que nous avons définies, des familles de manuscrits et des relations de contamination entre les témoins peuvent être établies. Ces corrections en marges portent aussi sur la translittération des termes grecs qui sont latinisés dans le texte, et dont la main qui corrige le texte rétablit l’original grec. Enfin les interventions du correcteur peuvent concerner également des abréviations qui sont développées dans la marge.

Ainsi, si l’on examine le début du chapitre 111 du livre II, De stanno :

· dans Er2 :

Stanni ethymologia a poxupiso dicitur, id est separans et secernens. Mixta enim adulterata inter se per ignem metalla dissociat. Et ab auro et argento es plumbum quod secernit. Alia quoque metalla ab igne defendit. Et cum sit natura ferri eris durissima, si absque stanno fuerit, comburitur et [cre]matur. Item stannum illitum eris vasis saporem graciliorem facit et compescit virus eruginis...

· dans Pav2 :

Stannum mixta et alterata inter se metalla per ignem dissociat et ab auro es plumbumque secernit. Alia quoque metalla ab igne defendit et cum sit natura ferri erisque durissima, si absque stanno fuerit, comburitur et crematur. Item stannum illitum ereis vasis saporem graciorem facit et compescit virus eruginis...

· dans Mant :

(ajouté dans la marge supérieure) Stannum mixta et alterata inter se metalla per ignem dissociat, et ab auro es plumbum secernit.

(barré) (Stagnum ethimologia a poxupison dicitur, id est separans et secernens. Mixta enim adulterata inter se per ignem metalla dissociat et ab auro es plumbum quod fecerint.)

Alia quoque metalla ab igne defendit et cum sit natura ferri erisque durissima, si absque stanno fuerit, comburitur et crematur. Item stannum illitum ereis vasis saporem graciorem facit et compescit virus eruginis.

Un autre exemple peut être trouvé en remontant au chapitre 107 du livre II, De auro :

· dans Er2 :

Aurum ab aura derivatum est quasi a splendore eo quod repercusso splendore plus fulgeat. Aurum solidissimum et pretiosissimum metallorum est. Aurum quanto rubicundius tanto melius. Aurum visum fovet. Reges decet. Summum divitem facit. Per fornacem purgatur...

· dans Pav2 :

Aurum a similitudine aurore dicitur. Aurum solidissimum et pretiosum est metallorum. Aurum quanto rubidius tanto melius. Aurum visum fovet. Reges decet. Summum divitem facit. Per fornacem purgatur...

· dans Mant :

(ajouté dans la marge supérieure) Aurum a similitudine aurore dicitur.

(barré) (Aurum ab aura duri natum est quasi a splendore eo quod repertum solis splendore plus fulgeat.)

Aurum solidissimum et pretiosissimum est metallorum. Aurum quanto rubidius tanto melius. Aurum visum fovet. Reges decet. Summum divitem facit. Per fornacem purgatur...

Les exemples de ce type sont nombreux. On peut signaler également la présence, à la fin de Mant, des mêmes additions que celles apportées à Pav2, à savoir le chapitre sur les oiseaux et un index des matières. Ces deux ajouts dans Mant sont copiés de la même main, différente de celle qui a copié le reste du texte, sans pour autant que l’on puisse identifier la main de ces deux appendices avec la main qui a effectué les corrections sur le texte.

Ainsi le texte du Compendium contenu dans un témoin a pu être revu sur un autre exemplaire portant un état du texte sensiblement différent. Le phénomène existe également d’une version à une autre, ce qui nous amène à nous intéresser aux deux manuscrits d’Uppsala.

Le manuscrit U1 contient le texte de la version courte C. Dans ses marges, une main postérieure a porté systématiquement tout le contenu qui manque de la version courte à la version longue, en garnissant le texte central de signes d’appel différents pour faciliter la lecture et les liens entre contenu des marges et texte. La même main a également corrigé le texte central sur la base des variantes existant dans la version longue.

Voici des exemples de cette entreprise de collation du texte dans le chapitre 16 du livre III, De floribus arborum (les ajouts en marge sont donnés en italique) :

· dans U1 :

Item in quarto metheororum. Ad generationem florum exigitur digestio humoris seminalis in humorem aqueum.

Item Aristotiles in secundo de plantis dicit quod materia florum et foliorum idem est scilicet humor aqueus subtilis. Sed magis digestus ad generationem florum minus autem ad generationem foliorum. In hoc habundant folia et flores in materia. Folia enim sunt ex natura aquosa. Flores vero ex natura aerea eius tamen humoris. In hoc differunt folia et flores, in materia scilicet ; folia enim sunt ex natura aquosa, flores ex natura aerea eiusdem tamen humoris.

Item Aristotiles in primo de plantis dicit quod flores et folia et virge sunt in plantis ad bene esse earum solum, folia scilicet ad cooperiendum fructum, flores ut humiditas aerea superflua a fructu seminis admoveatur, surculi vero. Flores ideo sunt ut humiditas aerea superflua ammoveatur, surculi vero ut in eis purgetur superfluitas aquosa.

· dans Tr2 (version C) :

Idem in quarto metheororum. Ad generationem florum digestio humoris seminalis in humorem aqueum. In hoc differunt folia et flores in materia. Folia enim sunt ex natura aquosa, flores ex natura aerea eiusdem tamen humoris. Flores ideo sunt ut humiditas aerea superflua conmoveatur subtili ut in eis purgetur superfluitas aquosa.

· dans Par2 (version longue L) :

Idem in quarto metheororum. Ad generationem florum exigitur digestio humoris seminalis in humorem aqueum.

Item Aristotiles in secundo de plantis dicit quod materia florum et foliorum eadem est, scilicet humor aqueus subtilis. Sed magis digestus ad generationem florum, minus autem ad generationem foliorum. In hoc differunt folia et flores in materia, quia folia sunt ex natura aquosa. Flores vero ex natura aerea eiusdem tamen humoris.

Item Aristotiles in primo de plantis dicit quod flores et folia et virge sunt in plantis ad bene esse earum solum, folia scilicet ad cooperiendum fructum, flores ut humiditas aerea superflua a fructu seminis amoveatur, surculi vero ut in eis purgetur superfluitas aquosa.

Un exemple de correction du texte central sur la version longue, dans le chapitre 11 du livre III, De corticibus arborum :

· dans U1 (on marque les suppressions entre parenthèses, les additions en italique) :

Dicit Aristotiles in primo vegetabilium quod arbores corticem habent ad sui corporis conservationem ab excellenti caliditate et frigiditate. Et quanto arbor tenerior et debilior, tanto habet spissiorem corticem. Multiplicitas corticum est propter arboris debilitatem. Similiter propter id est multiplicitas (in) odor(e)um. Unde et ficus propter sui fortitudinem non habet nisi unum corticem. (Pinus) pirus econtra propter suam teneritatem multos habet cortices...

· dans Tr2 (version C) :

Dicit Aristotiles in primo vegetabilium quod arbores corticem habent ad sui corporis conservationem ab excellenti calliditate et frigiditate. Et quanto arbor tenerior et debilior, tanto habet spissiorem coricem. Multiplicitas corticum est propter arboris debilitatem. Similiter propter id est multiplicitas in odorem. Et unde et ficus propter sui fortitudinem non habet nisi unum corticem. Pinus econtra propter sui teneritatem multos habet cortices...

· dans Par2 (version longue L) :

Dicit Aristotiles in primo vegetabilium quod arbores corticem habent ad sui corporis conservationem ab excellenti caliditate et frigiditate. Et quanto arbor tenerior et debilior, tanto habet spissiorem corticem. Multiplicitas corticis est propter arboris debilitatem. Similiter propter id est multiplicitas nodorum. Unde et ficus propter sui fortitudinem non habet nisi unum corticem. Pirus econtra propter suam teneritatem multos habet cortices...

À ce point de l’exposé, deux questions se posent. Premièrement, U1 est-il un manuscrit intermédiaire d’une version courte à une version longue ? Deuxièmement, les notes en marge sont-elles prises sur un témoin de la version longue L ou de la version Λ ?

On sera tenté de proposer une réponse négative à la première question, pour deux raisons. La première est que les ajouts en marge correspondant à la différence entre la version courte et les versions longues s’arrêtent à la fin du livre IV, alors que, dans les témoins contenant les versions longues, la présence de portions de texte supplémentaire concerne tout le reste de l’oeuvre. À partir du livre V, le manuscrit d’Uppsala devient donc un témoin « ordinaire » de la version courte.

Les indices qui peuvent nous amener à la seconde raison résident dans les quelques mots qui achèvent chaque note en marge. En effet nous avons mentionné que le lecteur qui a annoté le texte a pris soin de mettre en évidence la position restituée, dans les colonnes centrales, de chaque portion ajoutée en note, et ce au moyen de signes d’appel différents pour chaque note. Non content de s’assurer de la continuité de la lecture par ce moyen visuel, notre annotateur anonyme a également copié, à la suite de chaque note qui ne constitue pas une citation entière, les premiers mots de la phrase qui suit, afin de faciliter le passage de l’oeil de la note à la suite du texte. Si ce manuscrit avait constitué un témoin intermédiaire de la tradition, ces quelques mots devraient correspondre à ce que l’on trouve dans le texte central, puisqu’on doit alors s’imaginer l’annotateur comme un érudit qui, souhaitant compléter le contenu du texte qu’il a à sa disposition, écrit des commentaires dans les marges du manuscrit qu’il a sous les yeux. Il semble, dans tous les cas, que l’on doive écarter la possibilité que ces mots reflètent l’état de la source (c’est-à-dire Aristote la plupart du temps) à laquelle puiserait cet annotateur puisque l’auteur du Compendium ne la reprend que rarement ad litteram et au contraire reformule généralement, sauf pour certaines sources comme Isidore de Séville.[52]

Comparons la rédaction des notes marginales aux passages correspondants dans la version courte et dans la version longue, ici à nouveau le chapitre sur les fleurs :

· dans U1 :

Item in quarto metheororum. Ad generationem florum exigitur digestio humoris seminalis in humorem aqueum.

Item Aristotiles in secundo de plantis dicit quod materia florum et foliorum idem est scilicet humor aqueus subtilis. Sed magis digestus ad generationem florum minus autem ad generationem foliorum. In hoc habundant folia et flores in materia. Folia enim sunt ex natura aquosa, flores vero ex natura aerea eius tamen humoris. In hoc differunt folia et flores, in materia scilicet : folia enim sunt ex natura aquosa, flores ex natura aerea eiusdem tamen humoris.

Item Aristotiles in primo de plantis dicit quod flores et folia et virge sunt in plantis ad bene esse earum solum, folia scilicet ad cooperiendum fructum, flores ut humiditas aerea superflua a fructu seminis admoveatur, surculi vero. Flores ideo sunt ut humiditas aerea superflua ammoveatur, surculi vero ut in eis purgetur superfluitas aquosa.

· dans Tr2 (version C) :

Idem in quarto metheororum. Ad generationem florum digestio humoris seminalis in humorem aqueum. In hoc differunt folia et flores in materia. Folia enim sunt ex natura aquosa, flores ex natura aerea eiusdem tamen humoris. Flores ideo sunt ut humiditas aerea superflua conmoveatur subtili ut in eis purgetur superfluitas aquosa.

· dans Par2 (version longue L) :

Idem in quarto metheororum. Ad generationem florum exigitur digestio humoris seminalis in humorem aqueum.

Item Aristotiles in secundo de plantis dicit quod materia florum et foliorum eadem est scilicet humor aqueus subtilis. Sed magis digestus ad generationem florum minus autem ad generationem foliorum. In hoc differunt folia et flores in materia, quia folia sunt ex natura aquosa, flores vero ex natura aerea eiusdem tamen humoris.

Item Aristotiles in primo de plantis dicit quod flores et folia et virge sunt in plantis ad bene esse earum solum, folia scilicet ad cooperiendum fructum, flores ut humiditas aerea superflua a fructu seminis amoveatur, surculi vero ut in eis purgetur superfluitas aquosa.

On constate, dans le second morceau clôturant la note de U1, que l’énoncé s’approche davantage de la version longue que de la version courte de Troyes (notamment par la présence de l’expression a fructu seminis qui est absente de la version courte). La version courte est en revanche plus proche du texte central de U1.

Prenons un autre exemple dans le chapitre 40 du livre III, De alliis, où l’auteur énumère les propriétés de l’ail :

· dans U1 :

Leo et pardus fugiunt illud. Sepius oculis in cibo sumptum caliginem inducit. Calidum est et siccum in quarto gradu ; parum nutrit. Calidis et colericis nocet. Contra morsum canis rabidi remedium prestat, amissam loquelam casu recuperat quasi reparat, calidis et colericis nocet.

· dans Tr2 (version C) :

Leo et pardus fugiunt illud. Sepius in cibo sumptum caliginem inducit. Contra morsum canis rabidi remedium prestat, amissam loquelam casu recuperat, calidis et colericis nocet.

· dans Par2 (version longue L) :

Leo et pardus fugiunt illud. Sepius oculis in cibo sumptum caliginem inducit. Calidum est et siccum in quarto gradu ; parum nutrit. Calidis et colericis nocet. Contra morsum canis rabidi remedium prestat, ventrem humectat, amissam loquelam quasi reparat.

On remarque ici que l’annotateur a suivi son manuscrit de référence qui donne la phrase Calidis et colericis nocet tout de suite après l’ajout Calidum est et siccum in quarto gradu parum nutrit, tandis que, dans le texte court, on retrouve ces quelques mots un peu plus loin. La conséquence en est que, dans U1, si l’on intègre les notes en marge dans le texte, on trouve la même phrase répétée deux fois, en raison de sa localisation différente suivant la version.

Il semble donc bien que notre annotateur ait eu un autre témoin à sa disposition, sur la base duquel il a collationné le manuscrit d’Uppsala.

De ces constatations, on peut penser qu’un lecteur de la première moitié ou du milieu du XIVe s., peut-être celui qui amena le volume de France jusqu’en Suède, en possession d’un exemplaire de la version courte du Compendium (U1) et muni d’un témoin d’une version longue du texte, se mit à reporter systématiquement dans les marges les différences qu’il constatait avec le texte long. Cet intérêt pour le texte est confirmé par le fait que l’on ait ressenti le besoin, à Vadstena et dès le XIVe s., de recopier le manuscrit en incluant dans le texte les notes existant en marge, copie qui est visible dans le manuscrit U2[53]. D’où également l’explicit de ce manuscrit :

Explicit liber satis utilis in veritate.

On doit à présent tenter de résoudre la seconde question posée, à savoir sur quelle version longue, L ou Λ, l’annotateur a pu collationner le manuscrit d’Uppsala.

Dans un certain nombre de cas, les variantes entre L et Λ portent sur une organisation sensiblement différente d’un même contenu.

Examinons le chapitre 10 du livre III, De arboribus :

· dans U1 :

Dicunt quidam philosophi quorum opiniones recitantur primo vegetabilium quod arbores et plante sunt complete et integre perfectionis et cetera. Primo quia per se producunt fructum suum et non indigent re extrinseca ad generandum fructum. Secundo propter cibum qui adoptatus est eis continue ad seipsas cibandas. Tertio propter longitudinem sue existentie vel temporis sui. Quarto quia non exit ex eis aliquid superfluum ut urina de animalibus. Quinto quia omnes plante vel arbores habent in qualibet parte vim generativam et nutritivam. Sexto quia si fronduerint vel fructificaverint durabit vita earum, et convertetur ad eas iuventus earum.

· dans Par2 (version longue L) :

Dicunt quidam philosophi quorum opiniones recitantur in primo vegetabilium quod arbores et plante sunt complete et integre perfectionis. Primo quia per se producunt fructum suum et non indigent re extrinseca ad generandum fructum. Secundo propter cibum qui adaptatus est eis continue ad seipsas cibandas. Tertio propter longitudinem sue existentie vel temporis sui. Quarto quia non exit ex eis aliquid superfluum ut urina de animalibus. Quinto quia omnes plante vel arbores in qualibet parte vim generativam et nutritivam. Sexto quia si fronduerint vel fructificaverint durabit vita earum, et convertetur ad eas iuventus earum.

· dans Pav1 (version longue Λ) :

Ita dicebant quidam philosophi quorum opiniones recitantur in primo vegetabilium quia arbores et plante sunt complete et integre perfectionis. Primo quia per se producunt fructum suum non indigent re extrinseca ad generandum fructum. Secundo propter cibum qui adaptatus in eis continue continue (sic) ad seipsas cibendas. Tertio propter longitudinem sue existentie vel temporis sui. Quarto quia quanto fronduerunt et fructificaverunt durabit vita eius et convertetur ad eum iuventus eius. Quinto quia non exit de ea aliquod superfluum urina et similia que exeunt de animalibus. Sexto quia omnis arbor vel planta in qualibet parte habet vim generativam et nutritivam.

La même cause, insérée à des endroits différents, reçoit donc un numéro d’ordre distinct.

Dans d’autres cas, la différence entre les deux versions longues peut aller de la reformulation à la présence, dans Λ, de membres de phrases supplémentaires.

Ainsi dans le chapitre 31 du livre III, De balsamo :

· dans U1 :

Item stipite similis est viti, foliis vero similis est, sed albioribus semperque manentibus. Item arbor dicitur balsamus. Lignum vero salobalsamum, succus vero opobalsamum. Quod ideo cum additione significatur quia percussus eius cortex ungulis ferreis exsimii odoris guttas per cavernas distillat. Caverna enim greco nomine ope dicitur.

· dans Par2 (version longue L) :

Item stipite similis est viti, foliis vero similis est, sed albioribus semperque manentibus. Item arbor dicitur balsamus. Lignum vero salobalsamum, succus vero opobalsamum. Quod ideo cum additione significatur quia percussus eius cortex ungulis ferreis eximii odoris guttas per cavernas distillat. Caverna enim greco nomine ope dicitur.

· dans Pav1 (version longue Λ) :

Item cum stipite est similis viti, foliis vero similis est, sed arboribus que manentibus. Item arbor dicitur balsamus. Lignum vero solo balsamum, cortex vero fructus capobalsamum, succus vero ob oppobalsamum. Quod ideo cum adiectione significatur quia percussus est cortex ungulis ferreis eximii odoris cutas per cavernas distillat. Caverna vero greco nomine ipse dicitur.

Ce passage supplémentaire apparaît dans tous les manuscrits portant la version Λ que nous avons pu consulter jusqu’ici, et se trouve également dans la source de la citation (Isidore de Séville), ce qui semble exclure que l’annotateur ait eu recours à la source ou du moins à la source complète :

· dans Er2 :

Item stipite est similis viti, foliis vero similis est, sed arboribus semperque manentibus. Item arbor dicitur balsamus, lignum vero solum balsamum vel ex illo. Balsanum cortex vero fructus, et semen carpobalsamum. Et ideo cum adiectione significatumque quia percussus eius cortex ungulis ferreis eximii odoris guttas per cavernas distillat. Caverna enim greco nomine opo dicitur.

· dans Mant (les suppressions sont entre parenthèses, les additions en italique) :

Item stipite est similis viti. Foliis vero similis est. (Sed) Et arboribus semper(que) manentibus. Item arbor dicitur balsamus, lignum vero solum balsamum ξυλοβάλσαμον, cortex vero fructus et semen carpobalsamum. Et ideo cum adiectione significatur (quia) percussus eius cortex ungulis ferreis eximii odoris guttas (per cavernas) distillat. (Caverna enim greco nomine conpe dicitur.)

· dans Pav2 :

Item stipite est similis viti, foliis vero similis est, arboribus semper manentibus. Item arbor dicitur balsamus, lignum vero solum balsamum, cortex vero fructus et semen carpobalsamum et ideo cum adiectione significatur percussus eius cortex ungulis ferreis eximii odoris guttas distillat.

· Isidorus Hispalensis, Etymologiarum siue Originum libri XX, lib. 17, cap. 8, par. 14[54] :

Posteaquam eandem regionem Romani potiti sunt, etiam latissimis collibus propagata est, stirpe similis uitis, foliis similis rutae, sed albidioribus semperque manentibus.

Arbor autem balsamum, lignum eius xylobalsamum dicitur, fructus siue semen carpobalsamum, sucus opobalsamum.

Quod ideo cum adiectione significatur, eo quod percussus ferreis ungulis cortex ligni per cauernas eximii odoris guttam distillat ; cauerna enim Graeco sermone ὀπὴ dicitur.

On remarque que dans la version d’Er2, suivie par le copiste de Mant mais également par celui de Pav2, l’énoncé succus vero oppobalsamum a disparu à un certain moment de la tradition alors qu’il était présent dans Pav1.

D’autres exemples du même type pourraient être invoqués ici. L’étude des variantes des différentes versions semble donc indiquer que l’annotateur de U1 aurait eu comme manuscrit de référence un témoin de la version longue L, dont nous connaissons aujourd’hui seulement trois manuscrits. En effet, l’organisation du contenu tout comme les variantes tendent à placer ces notes en marge plutôt du côté des manuscrits Par2 et Par1, et Ca.

 

Une hypothèse sur la transmission de l’œuvre

 

L’étude de ces cas nous éclaire sur le mode de diffusion du texte et sur les relations existant entre les différentes versions de l’œuvre. Elle peut également mettre sur la piste d’une double hypothèse sur l’histoire des trois rédactions et sur l’antériorité d’une version particulière. Ainsi, deux types de transmission sont envisageables : soit un texte court ayant été « étoffé » par un annotateur, dont les ajouts en marge ont été repris par la suite dans le corps du texte, soit un texte long jugé trop volumineux par un lecteur qui a pris l’initiative de couper et d’abréger des passages de l’oeuvre. Il reste également à déterminer le rôle d’une seconde version longue dans la transmission du texte.

Les dates de copie des manuscrits ne nous aident guère à y voir plus clair. Tout au plus constate-t-on que les manuscrits connus de la version longue L sont légèrement postérieurs aux autres, puisque datés respectivement de 1320, 1327 et, pour Par1, du XIVe s.[55] tandis que tant pour la version courte[56] que pour la version longue Λ[57], les manuscrits sont datés (pour la plupart imprécisément, si l’on excepte U1 daté de 1302 et Sala daté de 1308) de la fin du XIIIe ou du tournant des XIIIe-XIVe s.

La relative marginalité de la version longue L, circonscrite à trois manuscrits connus et limitée apparemment au Nord de la France[58], semble indiquer que la version L serait postérieure aux deux autres. Cette idée est confirmée par sa comparaison avec la version courte : la très grande conformité des parties communes de ces deux versions, y compris des marqueurs médiévaux – c’est-à-dire des énoncés références aux sources – dont on a vu qu’ils étaient régulièrement abrégés entre la version Λ et les deux autres versions, paraît montrer que l’on a simplement augmenté la version C de passages supplémentaires, sans retoucher quoi que ce soit d’autre.

Cette théorie n’éclaire pas le rôle de la version longue Λ dans la transmission et sa relation avec les deux autres versions.

Notre hypothèse est que la version longue Λ constitue la version originale, qui aurait été expurgée et simplifiée pour donner la version courte C. Ensuite, une collation d’un manuscrit de la version courte sur un témoin de la version longue Λ – uniquement pour ce qui concerne le contenu qui a été coupé par C – aurait donné naissance à la version L, les notes en marge concernant les parties de texte supplémentaires ayant été intégrées dans le bloc de texte par les copistes ultérieurs.

Pour appuyer cette théorie, plusieurs types d’indices peuvent être mis à contribution.

On trouve, tout d’abord, dans certains manuscrits de la version courte et à certains endroits, la mention et cetera alors que la version longue possède un contenu supplémentaire. Dans le livre III, ces mentions sont cependant relativement rares et ne recouvrent qu’une très petite portion des lieux où l’on trouve davantage de texte dans la version longue. Il s’agit en particulier des manuscrits Bo et U1, mais on trouve également, dans le livre III, une occurrence dans tous les manuscrits de la version courte. Les manuscrits U1 et Bo en conservent quant à eux respectivement trois et une occurrences dans le livre III, celle de Bo se trouvant aussi dans U1. Peut-être est-il possible d’imaginer que la copie du texte central de U1 s’est trouvée influencée par un manuscrit issu plus ou moins directement du travail d’abréviation du texte du Compendium, et qui aurait conservé une trace des parties coupées au moyen de la mention et cetera.

Bien plus, certaines variantes du texte semblent indiquer que le copiste qui serait responsable de l’intégration des notes en marge à l’origine de la version L a parfois hésité sur l’endroit du texte où il devait réinsérer la note. Reprenons l’exemple du chapitre 10 du livre III, De arboribus, dans lequel on avait vu que les phrases d’une énumération recevaient une numérotation différente en fonction de l’endroit où elles étaient insérées :

· dans Tr2 (version courte) :

Dicunt quidam philosophi quorum opiniones recitantur in primo vegetabilium quod arbores et plante sunt complete et integre perfectionis. Primo quia per se producunt fructum suum et non indigent re extrinseca ad generandum fructum. Secundo propter cibum qui adoptatus est eis continue ad seipsas cibandas. Tertio propter longitudinem sue existentie vel temporis sui. Quarto quia non exit ex eis aliquid superfluum ut urina de animalibus. Quinto quia omnes plante vel arbores habent in qualibet parte vim generativam et nutritivam.

· dans Par2 (version longue L) :

Dicunt quidam philosophi quorum opiniones recitantur in primo vegetabilium quod arbores et plante sunt complete et integre perfectionis. Primo quia per se producunt fructum suum et non indigent re extrinseca ad generandum fructum. Secundo propter cibum qui adaptatus est eis continue ad seipsas cibandas. Tertio propter longitudinem sue existentie vel temporis sui. Quarto quia non exit ex eis aliquid superfluum ut urina de animalibus. Quinto quia omnes plante vel arbores in qualibet parte vim generativam et nutritivam. Sexto quia si fronduerint vel fructificaverint durabit vita earum, et convertetur ad eas iuventus earum.

· dans Pav1 (version longue Λ) :

Ita dicebant quidam philosophi quorum opiniones recitantur in primo vegetabilium quia arbores et plante sunt complete et integre perfectionis. Primo quia per se producunt fructum suum non indigent re extrinseca ad generandum fructum. Secundo propter cibum qui adaptatus in eis continue continue (sic) ad seipsas cibendas. Tertio propter longitudinem sue existentie vel temporis sui. Quarto quia quanto fronduerunt et fructificaverunt durabit vita eius et convertetur ad eum iuventus eius. Quinto quia non exit de ea aliquod superfluum urina et similia que exeunt de animalibus. Sexto quia omnis arbor vel planta in qualibet parte habet vim generativam et nutritivam.

On voit que l’énoncé quia quanto fronduerint... est absent de la version courte et a été, si l’on suit notre hypothèse, réintroduit dans le texte de la version longue L à partir d’un manuscrit glosé de la version courte. Il semble bien que le copiste à l’origine de cette version L n’ait pas su où insérer ces quelques mots, à moins qu’il ne se soit rendu compte trop tard qu’il devait réintégrer cette phrase qui, par conséquent, se retrouve à la fin de la citation. Ceci est corroboré par l’identification de la source de la citation, dans laquelle l’énoncé en question se trouve à la même place que dans la version longue Λ :

Nicolaus Damascenus, De plantis, 50[59] :

Et sunt qui putant plantam completam et integram esse propter duas vires quas habet, et propter cibum qui adaptatus est ad cibandum illam, et longitudinem suae existentiae et temporis sui. Et quando fronduerit et fructificaverit durabit vita eius et vertetur ad illam iuventus eius et non fiet in ea aliquid superfluum.

La version longue L témoigne donc, dans cette citation, d’un degré d’éloignement plus grand par rapport à la source que la version Λ, comme nous l’avons montré plus haut avec l’exemple du baumier.

Voici un autre exemple de ces hésitations de copistes. Dans le manuscrit Par1, on trouve une mention barrée au chapitre 2 du livre III, De generatione plantarum (la partie barrée est entre parenthèse et en gras) :

Dicit Aristotiles de vegetabilibus quod terra est principium materiale plante a qua sumit principium sui nutrimenti. Principium vero efficiens in generatione fructuum est calor solis. Unde Lermeon dicit quod (terra mater herbarum et plantarum nec est hoc imputandum ut videtur ubi mirabili voluntati divine) terra est mater herbarum et plantarum, et sol pater.

Item Aristotiles in IIII metheororum dicit quod ad generationem plantarum vel productionem exigitur digestio humoris seminalis in humorem aqueum.

Quare herbe nascantur sine preiacenti materialis semine.

Queritur qua ratione herbe et plante nascantur sine preiacenti semine. Nec est hoc imputandum ut videtur nisi mirabili voluntati divine. Solutio. Licet voluntas divina sit ut sic fiat. Tam ipsa voluntas dei non est sine ratione.

Le copiste s’est visiblement trompé en copiant à cet endroit une phrase qui intervient plus loin dans le texte et qui plus est, au chapitre suivant. Il ne semble donc pas qu’il s’agisse d’un saut du même au même. Si l’on regarde la tournure des autres manuscrits, on s’aperçoit que ce passage fait partie du contenu supplémentaire du texte long :

· dans Tr2 (version courte) :

De generatione plantarum.

Dicit Aristotiles in libro de vegetabilibus quod terra est terra est principium materiale plante a qua sumit principium sui nutrimenti. Principium vero efficiens in generatione fructuum est calor solis. Unde Loeceneon dixit terra est mater herbarum et plantarum, et sol pater.

Item Aristotiles in quarto metheororum dicit quod ad generationem plantarum vel productionem exigitur digestio humoris seminalis in humorem aqueum.

Quare herbe nascantur sine semine.

Queritur qua ratione herbe et plante nascantur sine preiacenti semine. Solutio. Licet voluntas divina sit ut sic fiat. Tantum ipsa voluntas divina sine ratione non est.

· dans Pav1 (version longue Λ) :

De generatione plantarum.

Dicit Aristotiles in primo de [vegetabilibus] quod terra est principium materiale plante a qua scilicet terra principium sui nutrimenti. Principium vero efficiens in generatione fructuum est calor solis. Unde Lentineon dicit quod terra est mater herbarum et plantarum, et sol pater.

Item Aristotiles in IIII metheororum dicit quod ad generationem plantarum vel ad productionem exigitur digestio humoris seminalis in humorem aqueum.

Quomodo in eodem territorio nascuntur contrarie herbe.

Queritur qua ratione herbe et plante nascuntur sine preiacenti materia vel semine. Nec hoc ut videtur imputandum nisi mirabilis voluntatis divine mirabili effectu. Ad quod dicendum quod licet voluntas dei sic ut sic fiat. Tantum ipsa volumptas dei sine ratione non est.

La comparaison avec la source de ce passage, qui semble être directement ou non Adelard de Bath, semble indiquer que l’énoncé en question existe bien à l’origine dans le texte, sous une forme quelque peu différente mais se rapprochant de ce que l’on trouve dans la version longue Λ (de par la présence de l’énoncé mirabili effectu mis en italique), ce qui plaide également en faveur d’une antériorité de cette version :

· Adelard de Bath, Questiones naturales, I :[60]

Nepos : [...] Licet enim si libet ut pulverem aridum colligas, subtiliterque cribratum in testeo vel eneo vase reponas, deinde accessione temporum cum herbas inde surgere videas, cui id nisi mirabilis divine voluntatis mirabili effectui imponas ?

Adelardus : Voluntas quidem Creatoris est ut a terra herbe nascantur. Set eadem sine ratione non est.

On peut donc penser que le copiste de Par1, se trompant en commençant à insérer la phrase en question dans le texte, se rendit compte de son erreur et barra ce qu’il avait écrit. Si cette hypothèse est exacte, cela signifierait que ce manuscrit a été copié sur une version courte du texte collationnée avec un manuscrit portant une version longue.

Il nous faut rechercher d’autres indices pour appuyer cette thèse. Si, comme nous le pensons, le copiste a hésité sur la position d’insertion des gloses marginales de son manuscrit de référence, d’autres corrections devraient logiquement subsister dans le manuscrit.

On trouve dans ce manuscrit, dans le prologue du livre III, une autre rature qui va dans le même sens (entre parenthèses) :

Habito nunc dicto que de generatione inanimatorum, iam dicendum est de corporibus animatis. Que quidem corpora animata tria sunt in genere, scilicet vegetabilia, sensibilia et rationabilia, secundum divisionem anime. Anima enim dividitur in vegetativam, sensitivam, rationalem, et hee anime secundum philosophos suis uniuntur corporibus, sed diversimode, secundum diversas lucis essentias. Est enim una lex celi syderei que disponit corpora vegetativa ad susceptionem vegetative. Alia est lux celi aquei sive cristallini que disponit corpora sensitiva ad susceptionem sensitive. (Tertia) Et attendendum quod non dicitur celum aqueum quod insit aqua, sed quia mediante luce celi aquei unitur anima sensitiva corpori humano. Qui quidem sensitiva recipit ymagines et similitudines rerum sensibilium sicut aqua recipit ymagines rerum et eas representat visui. Non sit autem aer, sed tantum recipit et non representat. Tertia est lux celi Empyrei que representat et disponit corpora ad susceptionem intellective.

La partie mise en gras, juste après la bifure, correspond à ce qui se trouve en plus dans la version longue L et est donc absente de la version courte C :

· dans Tr2 (version courte) :

Habito nunc dicto que de generatione inanimatorum, iam dicendum est de corporibus animatis. Que quidem corpora animata tria sunt in genere, scilicet vegetabilia, sensibilia et rationabilia, secundum divisionem anime. Anima enim dividitur in vegetativam sensitivam et rationalem, et hee anime secundum philosophos suis uniuntur corporibus, sed diversimode, secundum diversas lucis essentias. Est enim una lux celi siderei que disponit corpora vegetativa ad susceptionem vegetative. Alia lux celi aquei sive cristallini que disponit corpora sensitiva ad susceptionem sensitive. Tertia lux celi Empyrei que disponit corpora ad susceptionem intellective. Acturi igitur de animatis hac triplici anima primo agamus de vegetabilibus.

· dans Par2 (version longue L) :

Habito nunc dicto que de generatione inanimatorum, iam dicendum est de corporibus animatis. Que quidem corpora animata tria sunt in genere, scilicet vegetabilia, sensibilia et rationabilia, secundum divisionem anime. Anima enim dividitur in vegetativam, sensitivam, rationalem, et hee anime secundum philosophos suis uniuntur corporibus, sed diversimode, secundum diversas lucis essentias. Est enim una lux celi syderei vegetative. Alia est lux celi aquei, sive cristallini, que disponit corpora sensitiva ad susceptionem sensitive. Et attendendum quod non dicitur celum aqueum, quod ibi sit aqua, sed quia mediante luce celi aquei unitur anima sensitiva corpori humano. Que quidem sensitiva recipit ymagines et similitudines rerum sensibilium, sicut aqua recipit ymagines rerum et eas representat visui. Non sit autem aer, sed tantum recipit et non representat. Tertia est lux celi Empyrei que representat et disponit corpora ad susceptionem intellective. Acturi igitur de animatis hac triplici anima primo agamus de vegetabilibus.

Dans une version courte, la phrase Tertia lux celi Empyrei... suit directement la mention ad susceptionem sensitive que nous avons essayé de mettre en valeur au moyen du soulignement. Il semble donc probable que le copiste de Par1 avait sous les yeux un texte central court, agrémenté de gloses marginales qu’il a intégrées, ici, après s’être rendu compte qu’il y avait un contenu supplémentaire à insérer. C’est pourquoi il a rayé la mention Tertia qui suivait directement le texte dans la version courte.

À ce stade de la réflexion, nous ne pouvons dire si la copie de Par1 a été exécutée sur un manuscrit intermédiaire de la version courte à la version longue L ou sur un manuscrit de la version courte collationné avec un exemplaire de la version longue L de la même façon que U1. Il ne semble pas qu’il s’agisse du manuscrit d’Uppsala car des sondages dans les autres livres de Par1 ont montré que le contenu supplémentaire de ce manuscrit ne s’arrêtait pas au livre IV. Tout au plus peut-on dire que la proximité des variantes de Par1 avec les manuscrits Par2 et Ca semble indiquer une parenté très resserrée dans la tradition. S’il s’avère que le témoin a été copié sur un manuscrit intermédiaire entre les deux versions C et L, on pourra dès lors avancer qu’il est plus ou moins directement à l’origine des manuscrits Par2 et Ca.

 

Conclusion

 

Par ces quelques études de cas, nous avons voulu montrer que la plupart des indices repérés actuellement concordent pour aller dans le sens de la préexistence d’un texte long (Λ), qui aurait été abrégé en version courte (C). Cette version courte aurait enfin été réinterpolée au moyen d’un témoin de Λ pour donner une deuxième version longue (L). Pour appuyer cette hypothèse, nous avons principalement usé d’exemples qui montrent que des membres de phrases ont été réintroduits dans le texte à des endroits qui n’étaient pas ceux du texte originel, et que la version Λ se trouve dans tous les cas toujours plus proche du texte de la source que les deux autres versions.

Cette découverte ouvre de nouvelles pistes de recherches : s’il s’avère que notre hypothèse est la bonne, quelles sont les conditions, les modalités et les objectifs des révisions successives qu’a connu le texte ? Dans quel milieu a-t-il été abrégé, à quelle fin, et dans quel laps de temps ? Quel intérêt pouvait avoir l’interpolateur à l’origine de la version L ? Un usage différent a-t-il été fait de chacune des trois versions ?

De plus, elle éclaire d’un jour nouveau la nécessité de fournir une nouvelle édition de l’œuvre : le texte édité par M. de Bouärd s’appuyait sur l’état du manuscrit Par2. Bien que présentant un texte très correct, le témoin choisi fait donc partie de la famille la plus éloignée, selon nous, de l’état originel du texte.

Notes: 

 


[1] V. Rose, « Über die griechischen Kommentare zur Ethik des Aristoteles », Hermes, V, 1871, p. 65.

[2] M. Grabmann, « Forschungen über die lateinischen Aristoteleshandschriften des XIII. Jahrhunderts », Beiträge zur Geschichte der Philosophie des Mittelalters, XVII, Heft 5-6, 1916, p. 74-86.

[3] M. de Bouärd, Une encyclopédie jusqu’à présent inconnue : le Compendium philosophie (XIIIe siècle). Étude sur le genre encyclopédique au moyen âge, École nat. des Chartes, Positions des thèses soutenues par les élèves de la promotion de 1930, p. 19-26 ; Id. Une nouvelle encyclopédie médiévale : le Compendium philosophie, Paris, 1936.

[4] de Bouärd, Une nouvelle encyclopédie..., p. 121-206

[5] Ch. Lohr, « Medieval Latin Aristotle Commentaries », Traditio, 28, 1972, p. 380-382 ; B. Van den Abeele, Fortune et mutations des encyclopédies latines durant le Moyen Âge tardif, Thèse d’agrégation, Louvain-la-Neuve, 2007, Annexes, p. 40.

[6] Lohr, « Medieval Latin Aristotle Commentaries »..., p. 382 ; voir aussi sur cette question A. Wathey, « Philippe de Vitry's Books », in Books and Collectors 1200-1700: Essays Presented to Andrew Watson, J. P. Carley et C. G. C. Tite (éds.), London, (The British Library Studies in the History of the Book), 1997, p. 145-152.

[7] Ch. Lohr, « Aristotelica Berolinensa », Traditio, 54, 1968, p. 405.

[8] P. Lehmann, « Mitteilungen aus Handschriften IV », Sitzungsberichte der Bayerischen Akademie der Wissenschaften, Philosophisch-Historische Abteilung, 9, 1933, p. 27-29.

[9] Quatre manuscrits sur un total de 37 contiennent les deux textes : Cambrai, BM 1008 ; Troyes, BM 1488 ; Uppsala, UB C67 ; Paris, BNF lat. 3430.

[10] de Bouärd, Une nouvelle encyclopédie..., p. 116-117.

[11] L. Thorndike, « Review », Speculum, 12, 1937, p. 114-115 ; A. Dondaine, « Comptes-rendus », Le Moyen Âge, 46, 1937, p. 208-210 ; O. Lottin, « Comptes-rendus », Bulletin de théologie ancienne et médiévale, III, 1939, p. 486-487 ; M. Grabmann, « Methoden und Hilfsmittel des Aristotelesstudium im Mittelalter », Sitzungsberichte der Bayerischen Akademie der Wissenschaften ; Philosophisch-historiche Klasse, Heft 5, 1939, p. 105-111 ; R.-A. Gauthier, Introduction, in Aristote, L'Éthique à Nicomaque, R.-A Gauthier, J. Y. Jolif (éds.), Louvain-Paris, 1970, t. 1, p. 119.

[12] L’auteur n’utilise pas la traduction Media de la Métaphysique (milieu XIIIe s.) ni la version de l’Éthique de Robert Grosseteste (vers 1246-47), mais d’une version de l’Éthique réalisée par Hermann Allemand au début des années 1240 : Dondaine, « Comptes-rendus », p. 210 ; Gauthier et Jolif (éds.), ibid., p. 119.

[13] On trouvera des précisions sur ces débats historiographiques dans l’article de R. Saccenti publié dans ce même numéro : R. Saccenti, « À propos de la datation d’un témoin de la morale aristotélicienne du XIIIe siècle : le Compendium philosophiae : rappel historiographique et orientations de recherche », Spicae, Cahiers de l’Atelier Vincent de Beauvais, Nouvelle série, 1, 2011.

[14] R. Steele, Opera hactenus inedita Rogeri Baconis, fasc. III, Oxford, 1911, p. 240-267.

[15] de Bouärd, Une nouvelle encyclopédie..., p. 25-27.

[16] Principalement le livre III sur les végétaux, ainsi que des parties du livre V pour vérification. Le livre VIII a été étudié par R. Saccenti lors d’un post-doctorat à l’Atelier Vincent de Beauvais.

[17] Le langage informatique XML ou eXtended Markup Language permet une description de la structure logique et du contenu de documents, ainsi que des exploitations sur divers supports à partir d’un seul fichier source. Les recommandations de la TEI ou Text Encoding Initiative ont été développées pour subvenir aux besoins spécifiques des communautés d’utilisateurs d’XML dans le domaine des textes de Sciences Humaines et Sociales. La TEI comporte ainsi trois modules consacrés spécialement à l’encodage d’apparats critiques, de descriptions de manuscrits et de représentations de sources primaires. Pour en savoir plus, voir <http://www.tei-c.org/Guidelines/P5/>

 Une exploitation particulière de cet encodage permettra d’intégrer le texte du Compendium philosophie dans la base Sourcencyme, actuellement en chantier à Nancy :

<http://medievistique.univ-nancy2.fr/contentId%3D7846>

 Voir en particulier : E. Kuhry, « Faire l’édition critique d’une encyclopédie médiévale au moyen de la TEI : l’exemple du Compendium philosophiæ », Actes du colloque Le patrimoine à l’ère numérique, 10-11 décembre 2009, Presses universitaires de Caen, paru en ligne :

 < http://www.unicaen.fr/puc/ecrire/preprints/preprint0132011.pdf>.

[18] U2 présente un cas particulier que nous évoquerons plus loin.

[19] L’indication du numéro du chapitre diffère selon le manuscrit : elle est donnée ici selon l’ordre des chapitres du ms. Par2.

[20] Une description plus détaillée de chaque manuscrit sera donnée dans la thèse.

[21] La copie du manuscrit peut être datée de 1325 et localisée à Paris, d’après les indications du colophon : scriptus et finitus parisius per manus conradi de saxonia anno domini m. ccc° xxv° In vigilia beate katrine virginis Eodem tempore mortuus fuit Epischopus parisiensis Cuius anima requiescat in pace. Le texte du Compendium est ici suivi des Sententia Ethicorum Aristotelis de Robert Grosseteste : Lohr, « Aristotelica Berolinensa », p. 405.

[22] V. Rose avait, le premier, mentionné trois manuscrits contenant le texte du Compendium, à savoir les deux manuscrits d’Erlangen et un manuscrit attribué à un « Albertus » vendu par le libraire Hermann Hartung en février 1859, sans précision supplémentaire. P. Lehmann avait déjà tenté d’établir un lien entre le manuscrit inconnu de Rose et le ms. de Berlin, dont la provenance, avant son entrée dans la collection Morbio, était inconnue. Ne disposant pas d’indices concluants, P. Lehmann s’était limité à signaler la probabilité que ces deux manuscrits soient le même, tout en rappelant que le manuscrit de Berlin n’était sorti qu’en 1889 de la collection Morbio. En 1939, M. Grabmann signalait une note de la main de V. Rose, portée sur le catalogue de Berlin, qui identifiait le manuscrit avec le volume vendu par Hartung en 1859 : Rose, « Über die grieschischen Kommentare... », p. 65 ; Lehmann, « Mitteilungen... », p. 27-29 ; Grabmann, « Methoden und Hilfsmittel », p. 106.

[23] Cependant le catalogue des manuscrits de la bibliothèque de Bordeaux de 1880 le présente comme ne contenant que la première partie, sans doute en raison du titre donné : Compilatio de libris naturalibus Aristotelis et aliorum quorumdam philosophorum de rerum natura. Que quidem compilatio quinque in se partes continet principales, quarum prima principalis in octo subdividitur partibus : J. Delpit, Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque de Bordeaux, Bordeaux, J. Delmas, 1880, p. 179 ; voir M. de Bouärd, Une nouvelle encyclopédie..., p. 35-36 : dans les manuscrits, un grand nombre de titres de l’œuvre, comme ici, confondent, à partir de la table des chapitres, la division du huitième et dernier livre en cinq parties et la division totale de l’œuvre en huit livres.

[24] H. Fischer, Katalog der Handschriften der Universitätsbibliothek Erlangen. 1. Band: Die Lateinischen Pergamenthandschriften, Erlangen, 1928, p. 256-258.

[25] W. Neuhauser, L. Šubarić, Katalog des Handschriften der Universitätsbibliothek Innsbruck, 4, Cod. 301-400, Wien, Verlag der Österreichischen Akademie der Wissenschaften, 2005, p. 256-257.

[26] Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, vol. 25, Paris, Plon, 1894, p. 49-50.

[27] Le colophon nous apporte de précieuses informations sur le milieu et la date de copie du texte, sans pour autant que l’on puisse pour l’instant déterminer un lieu de copie certain à partir de la seule indication « in podio » : scripsit cum magno labore istum librum, pro maiori parte frater B[er]trandus pulli de ordine fratrum minorum in podio. Unde ora pro eo ad dominum dulcissimum atque mitissimum ihesum christum. Anno domini MCCCVIII hic liber est scriptus, quo anno fuit pascha in festo triburcii et valeriani in medio aprilis. Présent dans la bibliothèque du Collège San Bartolome de Salamanque dès l’inventaire de 1433 (sous le titre Compendium totius philosophie naturalis) et jusqu’à la fin du XVIIIe s., le manuscrit se retrouva ensuite dans celle de l’évêque de Salamanque avant d’arriver en 1803 à la bibliothèque du Palais de Madrid. Comme le colophon le laisse entendre, la main du frère franciscain vient prendre le relais de la première au f. 25v : Ó. Lilao Franca, C. Castrillo González, Catalogo de manuscritos de la Biblioteca Universitaria de Salamanca, II, Manuscritos 1680-2777, Salamanca, 2002, p. 705-707 ; G. Beaujouan, « Manuscrits scientifiques médiévaux de l’Université de Salamanque et de ses ’colegios mayores’ », Bibliothèque de l’École des Hautes Études hispaniques, 32, 1962, p. 20-21.

[28] Tr1 contient sur les 119 premiers feuillets le texte du Compendium theologie ainsi que le Speculum ecclesie d’Innocent III et le Templum Dei de Robert Grosseteste, composé de conseils moraux aux prêtres. Dans Tr2, le texte du Compendium philosophie reçoit le titre De rerum natura et est précédé d’une table des chapitres. Les ff. 1 à 19v sont occupés par le Liber de consolatione et consilio Albertani d’Albertanus Brixiensis et par un lapidaire en français, La vertu des pierres précieuses.

[29] La transcription du catalogue de 1472 par A. Vernet semble indiquer au moins quatre volumes contenant le même texte : A. Vernet, La bibliothèque de l’abbaye de Clairvaux du XIIe au XVIIe siècle, I, Catalogues et répertoires, Paris, CNRS, 1979, p. 187 et 283-284 :

 § Compendium theologie

 [...]

 958. L43. Item ung autre volume contenant aussi Compendium Theologie et Speculum Ecclesie domini Innocentii pape de ordine, numero et significatione sacerdotalium indumentorum, et a la fin est Compendium philosophie, commençant on second feullet || "dolorum servitus. Est itaque", et finissant on penultime en lettre de vermeillon "de humilitate doctoris" || et est enchayné en l'armaire d'empres la librairie du cloistre, et ainsi signé L43 [= Troyes, BM 1488]

 [...]

 § Compilationes et Compendium philosophie

 1761. V15. Item ung autre petit volume bien escript contenant Compendium philosophie en .v. parties distingué et en .viii. livres, sans autre intitulacion d'acteur, commençant on second feullet apres la table || "ad subjecta intranea", et finissant on penultime devant une autre table "imperitus peritis no" || Ainsi signé V15

 1762. V16. Item ung autre volume de menue lettre contenant aussi dictum Compendium philosophie, commençant on second feullet || "aut iterum", et finissant on penultime "magnificentia fiden" || Ainsi signé V16

 § Aliud Compendium philosophie require supra sub signo L43

 1763. V17. Item ung autre asses beau volume contenant une Compilacion des livres naturelz d'Aristote et d'aucuns autres philozophes en .v. parties principales sans autre intitulacion d'acteur, commençant "Compilacio de libris naturalibus" et on second feullet || "de umbilico de palma", et finissant on penultime "in affectu virtu" || Ainsi signé V17 [= Troyes, BM 1943, f. 204 sqq.]

 1764. V18. Item

[30] M. Andersson-Schmitt, M. Hedlund, Mittelalterliche Handschriften der Universitätsbibliothek Uppsala : Katalog über die C-Sammlung, 2, Handschriften C51-200, Stockholm, 1995, p. 43.

[31] Un ex-libris porté au verso du f. 1 nous donne cette information : Liber Monasterii Beate virginis in wadzstenum datus per dominum Petrum priorem in Alvastro Confessorem beate Byrghitte Anno domini M°CCC°. Il y a ici une lacune mais on peut supposer que le don fut fait dans la seconde moitié du XIVe s. : cf M. Hedlund, Katalog der datierten Handschriften in lateinischer Schrift vor 1600 in Schweden.... 1, Die Handschriften der Universitätsbibliothek Uppsala, Stockholm, 1977 ; d’autre part le prieur Olafson aurait été actif à partir des années 1340 et serait mort vers 1390 : T. Nyberg, « Zisterzienser, -innen, VIII. Skandinavien », Lexikon des Mittelalters, 9, Stuttgart, 1977-1999, cols 646-647 ; « Comptes-rendus : Sancta Birgitta. Revelaciones, Lib. VII, ed. B. Bergh », Archivum Latinitatis Medii Aevi, 38, 1971-1972, p. 236.

[32] de Bouärd, Une nouvelle encyclopédie..., p. 19-21.

[33] M. Mabille, « Les manuscrits de Gérard d'Utrecht conservés à la Bibliothèque nationale de Paris », Bibliothèque de l’Ecole des Chartes, 129, n°1, 1971, p. 13-16.

[34] M. de Bouärd a placé Gérard d’Utrecht à tort dans la seconde moitié du XIVe s. en le confondant avec Gérard Groot, ce qui l’a induit en erreur dans les hypothèses qu’il livre sur le contexte de copie du texte et la nature des notes figurant en marge : de Bouärd, Une nouvelle encyclopédie..., p. 20 ; Mabille, « Les manuscrits de Gérard d'Utrecht », p. 16.

[35] Le colophon (effacé et recouvert par l’explicit d’une main postérieure, mais lisible en lumière noire) nous renseigne sur la date de copie, 1327, et sur une provenance antérieure qui pourrait être Mons, Val-des-Écoliers, dans le diocèse de Cambrai : Explicit compendium philosophie, anno Domini M°CCC°XXVII° [...] fratris Roberti de Vuillana (ou Bulliona ou Buillone ou Bellavia : peut-être Bouillon en Wallonie) [...] ordinis beati Augustini de Valle Scolarium. : cf Manuscrits datés des bibliothèques publiques de France, I, Cambrai, D. Muzerelle (dir.), Paris, 2000, XXVI-330 p.

[36] de Bouärd, Une nouvelle encyclopédie..., p. 22.

[37] Ce manuscrit a fait partie de la bibliothèque de Claude Barthélémy Morisot (1592-1661) comme l’indique l’inscription portée sur l’encart inséré avant le f. 1 : Theologicae Veritatis compendium quod cred[itur] esse Alberti Magni ex bibliotheca Cl. Bartholomei Morison : Lohr, « Medieval Latin Aristotle Commentaries », p. 382.

[38] Fischer, Katalog der Handschriften..., p. 276-331.

[39] C. Obert-Piketty, « Les lectures et les œuvres des pensionnaires du collège Saint-Bernard : Jalons pour l’histoire intellectuelle de l’Ordre de Cîteaux à la fin du Moyen Âge », in Cîteaux, 40, 1989, p. 256.

[40] U. Meroni, Catalogo dei manoscritti del monastero benedettino di S. Benedetto Po (detto Polirone) dei secoli XI-XIII, Mantova, 1962, p. 152.

[41] Voir ci-dessous la description de Pav2.

[42] G. M. Cao, C. Casagrande et al., Catalogo di manoscritti filosofici nelle Biblioteche Italiane, 7, Novara, Palermo, Pavia, Firenze, 1993, p. 152-154.

[43] de Bouärd, Une nouvelle encyclopédie..., p. 28.

[44] C’est le cas également dans les manuscrits Firenze, B. Laur., Ashburnham 1251 et Vatican, BAV, Ross. 175, que nous n’avons pas pu examiner en détail jusqu’ici : de Bouärd, Une nouvelle encyclopédie..., p. 33 et 31.

[45] On trouve un ex-libris postérieur sur le f. 1 : Iste liber est fratris Johanis Belardi de Papia in sacra theologia magistri ordinis fratrum heremitarum sancti Augustini. Frère Jean Belard de Pavie est mentionné dans une lettre d’Urbain V datant de novembre 1367. Lecteur à Paris, Toulouse, Avignon et Padoue, il a pu acquérir le volume dans l’une de ces villes au cours de ses pérégrinations : Urbain V, Lettres communes, De indultis, privilegiis et dispensationibus, 021611, A. 166, f. 496 ; V. 257, f. 26, M. et Papal letters, A.-M. Hayez (éds.), Brepolis, 1954-1989.

[46] Cao, Casagrande et al., Catalogo di manoscritti filosofici..., p. 179-180.

[47] J. Young, P. Henderson Aitken, A catalogue of the manuscripts in the library of the Hunterian Museum in the University of Glasgow, Glasgow, 1908, p. 176-183.

[48] N. Thorpe, The Glory of the Page; medieval & Renaissance illuminated manuscripts from Glasgow University Library, Glasgow, 1987, p. 79.

[49] Entièrement copié de la même main, le manuscrit présente le Compendium après trente-quatre autres oeuvres parmi lesquelles des Orationes, Invocationes, Epistulae, des traités sur les arts libéraux, les vertus cardinales, la providence divine, des oeuvres de Hugues de saint Victor, d’Augustin d’Hippone comme l’indique la mention du contenu figurant sur le premier feuillet de garde, d’une main du XVe s. : Liber diversorum tractatum Hugonis de Sancto Victore, Augustini, Bernardi, Senece, et aliorum diversorum ut patet in tercio folio sequente. secundo folio. Incipiunt meditaciones beati Augustini ad patrem et filium et spiritum sanctum.

[50] C’est le colophon qui nous donne cette information : Scriptus per fratrem Andream, monachum professum monasterii Fontis Regis ordinis Cisterciensium. Finitus anno incarnationis domini M°CCC°LXXVI feria quinta proxima ante dominicam Invocavit. Le volume est accompagné de fragments de parchemin du XIIIe s. portant des litanies : G. Brinkhus, A. Mentzel-Reuters, Handschriftenkataloge der Universitätsbibliothek Tübingen, 1, Die lateinischen Handschriften, Teil 2, Wiesbaden, 2001, p. 117.

[51] M. Andersson-Schmitt, M. Hedlund, Mittelalterliche Handschriften...6, Handschriften C551-935, p. 208.

[52] Cependant on ne doit pas écarter la possibilité que l’auteur du texte ait à sa disposition une source intermédiaire inconnue de nous, qu’il recopie fidèlement.

[53] Les sondages effectués dans U2 montrent que les inclusions des notes dans le texte s’arrêtent, tout comme dans U1, à la fin du livre IV.

[54] Isidori Hispalensis episcopi Etymologiarum sive originum libri XX, W. M. Lindsay (éd.), Oxford, 1911, XVII, viii, 14.

[55] mss. Par2, Ca et Par1

[56] mss. U1, Sala et I

[57] mss. Er2 et Pav1

[58] Voir ci-dessus p. 11. Cependant l’origine de Par1 reste encore floue.

[59] Nicolaus Damascenus, De plantis. Five Translations, H. J. Drossaart Lulofs et E. L. J. Poortman (éds), Amsterdam-New York, 1989, p. 524.

[60] Adelard of Bath, « Questiones naturales », in Conversations with his Nephew, Ch. Burnett (éd.), Cambridge, 1998, p. 92.

 

Pour citer l'article: 

E. Kuhry, « Les différentes versions du Compendium philosophie ou Compilatio de libris naturalibus Aristotelis, une encyclopédie du XIIIe siècle », in Spicæ, Cahiers de l’Atelier Vincent de Beauvais, nouvelle série, 1, 2011 <consulté en ligne le (date) à l’adresse : spicae-cahiers.univ-lorraine.fr/node/27>